dimanche 28 juin 2015

Le fossoyeur d'Adam Sternbergh


Je ne veux rien savoir de vos motivations. On vous doit du fric ? On vous a tabassé ? Escroqué ? Un autre que vous a décroché la promotion que vous convoitiez ? Vous voulez vous taper la femme de votre pote ? Ou vous venger de celle qui s'est tapé votre mec ? Je m'en fous. Je ne suis pas votre confesseur. 
Considérez-moi plutôt comme une balle de revolver. 
Point barre.  



Si vous ne lisez que ces lignes;

Une ambiance de comics sombre rappelant Sin city,  un anti-héro homme à gage malgré tout sympathique plongé dans une enquête qui bien vite le dépassera, pour notre plus grand plaisir... Bienvenue dans une Amérique décadente au bord du précipice !

 La quantité d'ordures que vous laisserez derrière vous sur cette terre excédera largement toutes les bonnes choses que vous y aurez accomplies. Pour chaque gramme de patrimoine, une tonne de rebuts.

Adam Sternbergh


Adam Sternbergh a été responsable des pages culture du New York Times Magazine.

Le Fossoyeur est son premier roman, traduit et publié en français aux éditions Denoël.

Il a fait partie de la liste des meilleurs romans de 2014 de Newsweek, a été désigné meilleur premier roman et meilleur thriller de l'année par Booklist, et a été sélectionné la même année au Royaume-Uni pour le John Creasey New Blood Dagger Award par la Crime Writer's Association.

Il vient récemment d'être sélectionné pour le prestigieux Edgar Award 2015 du meilleur premier roman.
Élevé à Toronto, il vit maintenant à Brooklyn avec sa famille.
 
Ses droits d'adaptation cinématographiques ont été acquis. Un film est actuellement en développement à Hollywood, avec Denzel Washington. Adam Sternbergh vient de publier la suite du Fossoyeur.

Le site de l'auteur, en VO, c'est par !  

S'il y a bien une chose que nous avons retenue de ce monde si arrogant jadis, c'est que dès qu'on découvre un truc miraculeux, on peut en détourner l'usage dans la foulée. Pour vous permettre de sucer la bite d'un cheval, par exemple. Dans un univers simulé.

Le pitch

«Tous les cimetières sont pleins, depuis longtemps.» 

Il se fait appeler Spademan, le Fossoyeur, presque un nom de super-héros. Vous ne saurez jamais son vrai nom. Il a été éboueur. Un jour, il a trouvé un bébé dans un sac-poubelle. Quelques années plus tard, sa femme est morte dans la série d’attentats radioactifs qui a vidé New York de ses habitants. 

C’était il y a longtemps : une autre vie.  Maintenant, Spademan est tueur à gages. Il est resté dans les ordures, mais son salaire a considérablement augmenté. Il n’est pas sexiste : homme, femme, il s’en fout. Vos raisons, il s’en fout. D’ailleurs, le fric aussi il s’en fout. 

Et quand on lui demande de tuer la fille du richissime prédicateur T.K. Harrow, une gamine qui vient tout juste d’avoir dix-huit ans, il n’y voit aucun problème. Mais dans la toile de Harrow, pour la première fois de sa sinistre carrière, Spademan n’est pas la plus grosse araignée.  

Mélange foudroyant de roman noir et de cyberpunk, au style sec comme du vieil os, Le Fossoyeur est un uppercut qui en dit long sur la tentation nihiliste. Dès parution, Hollywood en a acquis les droits d’adaptation cinématographique.

 272 pages, 140 x 205 mm 

En soi, ça n'a rien de très compliqué. Ce qui est dur, c'est de trouver des raisons à ce qu'on fait. Moi je m'en passe.  Je ne suis pas la décision. Je suis l'acte, point final.  Je suis la balle de revolver. Par conséquent, je n'ai nul besoin de me justifier ni de vivre avec ce poids. ça c'est votre boulot. 

J'irais même plus loin : 
Le monde grouille de balles mortelles : un bus lancé à pleine vitesse, une rupture d'anévrisme au milieu de la nuit, une branche pourrie qui se rompt pendant une tempête de neige, pile au moment où vous passez en dessous....  Ou un métro qui explose. Ou une bombe dans un sac de gym. Toutes ces balles sifflent autour de nous.  Nous en évitons la plupart, jusqu'au jour où l'une d'elles nous frappe en plein cœur. 

Ce que j'en ai pensé


Voici donc un New-York cyber-punk, au bord de l’asphyxie, peuplé de grattes-misères et de zombies riches connectés ne vivant plus que dans des sarcophages cybernétiques et médicalisés les propulsant dans des mondes imaginaires surpeuplés ... 

Guide de ce bourbier; Spademan, ancien éboueur devenu un virtuose du couteau et du cutter moyennant une somme certaine. Possédant et procédant suivant une logique qui lui est propre, Monsieur propre est un anti-héro malgré tout sympathique, écorché vif issus des explosions de bombes sales ayant réduit la grande pomme à un ensemble organique grouillant. 

Le franc parlé des personnages, les descriptions épurées de toutes émotions, la technologie décrite comme une nouvelle forme de drogue, l'humanité perçue comme étant à bout d'elle-même; tous ces traits sont autant de caractéristiques communes aux grands classiques cyber-punks.  
  
Entendez donc ici roman cyber-punk à son expression première, dans la lignée des Blade runner, Johnny Mnemonic, Le maitre du haut château, Dark city et autres créations des maitres du genre, loin du glamour des récentes créations ayant été gratifiées de cette étiquette. Ici, l'humanité est à bout, les règles sociales réduites à leur minimum et la survie du rat ou du cancrelat choisies comme modèles idéaux. Un petit bijou de dystopie se plaçant dans un temps située à un jet de pierre du notre. 

Le début de l'intrigue, plutôt attendu, débute sur un contra foireux de Spademan... La suite, pleine de rebondissements, allie les traits d'un vieux policier en noir et blanc et les fils de connexion d'un film de science-fiction des années 80. Tour à tour, chaque protagoniste révèle sa marche boiteuse dans ce cloaque, aucun n'ayant été épargné par la fange, chacun possédant de nombreuses taches sur son plumage. Cette belle variété d'éclopés psychologiques apporte une épaisseur certaine à l'univers du roman.

Cousu de fils blancs sur bien des aspects, jouant des figures symboliques bibliques et autres stéréotypes sociaux-économiques, la qualité de ce délicieux récit tiens certainement dans le plaisir évident de l'auteur à manier ces matériaux. L'écriture y est soignée, numéro d’équilibriste entre la BD et le roman d'anticipation. 

Seul bémol à mes yeux; le contraste marqué entre New-York et le reste des États-Unis voir du monde peu voir pas touchés par la déliquescence en œuvre dans la grande pomme. Le contexte historique de cette dégradation s'en voit allégé par certains aspects, manquant de quelques degrés d'immersion, de logique et de cohérence. 

Cependant, une fois ce point identifié, le plaisir de lecture n'en est que peu touché, et l'enchainement des événements encourus par Spademan conservent leur attrait. 

Émaillé de réflexions et traits d'humour sombres, entretenant une ambiance pesante et grise, Adam Sternbergh fait montre d'un incroyable talent au sein de son premier roman. C'est donc avec joie que j’attends la traduction du second tome déjà paru aux U.S.A !

En réalité, je ne sais pas du tout quelle va être la prochaine étape. J'en ai connu des missions foireuses, mais à ce point, jamais. 


En résumé

Les plus :
  • Un réel moment de plaisir de lecture,
  • une ambiance sombre rappelant certains comics ou films policiers,
  •  un roman se plaçant comme héritier des classiques cyberpunks, 
  • des personnages attrayants et attachants. 


Les moins :
  • Une description des raisons de la dégradations sociale et économique succincte et manquant de cohésion, 
  • une intrigue parfois cousue de fils blancs et emplie de stéréotypes. 

En conclusion

Un premier roman agréable, posant un univers sombre et des personnages complexes formant un tout plaisant et attractif. Malgré quelques défauts et manquements attribuables à un premier roman, Le fossoyeur mérite grandement que l'on se penche sur sa fosse; vous y trouverez une pépite brute !  

Dans les vitrines on peut lire : Masques à gaz et compteurs Geiger à moitié prix ! Et pour tout achat, un donut gratuit dans le café d'à coté ! 


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