mercredi 30 septembre 2015

Nénuphar, femme sioux, fille du grand peuple Dakota d'Amérique, de Ella Cara Deloria

 A la surface de l'eau poussaient des nénuphars qui l'attiraient irrésistiblement. Comme ils étaient beaux ! Comme ils vous forçaient à écarquiller les yeux pour pénétrer leur forme et leur esprit. Son regard passait de l'un à l'autre; soudain, il lui fut impossible de les dissocier du visage de son enfant. Une nouvelle sensation l'envahissait, l'étouffait presque. "Ma fille ! s'écria-t-elle, comme tu es belle ! murmura-t-elle dans des sanglots de joie. 


 Si vous ne lisez que ces lignes;

Une plongée dans le monde amérindien grâce à la plume délicate d'une des plus grande collaboratrices de Franz Boas, le célèbre anthropologue du début du 20iém siècle.  Vision de la société Dakota via trois générations de femmes, récit reposant sur des témoignages recueillis tout au long de sa carrière de linguiste et d'anthropologue par Ella Cara Deloria, Nénuphar réussit pleinement son but premier; nous faire mieux comprendre les sensibilités et les fonctionnement de la société Dakota. 

Les garçons faisaient tourner des branches de cèdre sur la glace, comme des toupies. Les plus petits aimaient représenter le vieux mythe du hibou. Ils se déguisaient et portaient des masques  pour incarner l'esprit du hibou et allaient de tipi en tipi tout en dansant. Le public leur demandait de prédire le temps, car ils étaient supposés venir du Nord, le pays de l'hiver. On leur donnait des gâteaux de maïs et de la viande sèche avec des fruits sauvages et autres friandises. 
 

Ella Cara Deloria


Ella Cara Deloria, aussi nommée  Aŋpétu Wašté Wiŋ (Beautiful Day Woman),  est née en 1889 dans le quartier de White Swan de la réserve Yankton indienne, des Dakota du Sud. La famille avait des ascendances Yankton Dakota, anglaises, françaises et allemandes. (Le nom de la famille remonte à un ancêtre trappeur français nommé François-Xavier Delauriers.) Son père était l'un des premiers Sioux être ordonné comme un prêtre épiscopal. Sa mère était la fille d'Alfred Sully, un général de l'armée américaine, et un Métis Yankton Sioux. Ella était le premier enfant du couple, qui avait plusieurs filles par chaque précédent mariage. 

Ella a grandi dans la réserve indienne de Standing Rock au Wakpala, et a commencé ses études auprès de son père à la mission St. Elizabeth puis au pensionnat à Sioux Falls. Après ses études, elle a assisté aux cours de  l'Oberlin Collège dans l’Ohio où elle avait remporté une bourse d'études. Après deux ans à Oberlin, Deloria fut transférée au Teachers College, Columbia University, New York, et a obtenu un baccalauréat ès sciences en 1915. 

Elle fut l'un des premiers véritables chercheurs bilingues et biculturels dans l'anthropologie américaine, et une érudite extraordinaire, professeur, poursuivant son travail et ses engagements dans des conditions notoirement défavorables. Elle vécut pendant un temps dans une voiture tout en recueillant des matériaux pour Franz Boas. Tout au long de sa vie professionnelle, elle a souffert de ne pas avoir l'argent ou le temps libre nécessaire afin d’avancer ses recherches.  Appui financier de sa famille en tant qu’ainée, Son père et sa belle-mère étant des personnes âgées, sa sœur Susan dépendait d'elle financièrement. 

En plus de son travail en anthropologie, Deloria avait un certain nombre d'emplois, y compris dans l'enseignement (danse et éducation physique), des conférences et des démonstrations sur la culture amérindienne, ainsi que pour le camp des Filles du Feu et la YWCA. Elle a également occupé des postes à l'Indian Museum Sioux dans Rapid City, Dakota du Sud, et en tant que directrice adjointe au cours Musée WH à Vermillion. Son frère, Vine Deloria V., Sr., était un prêtre épiscopal, connu  pour son charisme et ses talents oratoires. Il fut désillusionné par le racisme au sein de l'Église épiscopale. Son neveu était Vine Deloria, qui est devenu un grand écrivain et activiste intellectuelle. 

Recrutée comme étudiante avec son fiancé afin de travailler avec lui sur la linguistique des langues amérindiennes, elle a également travaillé avec Margaret Mead et Ruth Benedict, anthropologues éminents qui avaient été les étudiants des cycles supérieurs de Boas. Pour son travail sur les cultures amérindiennes, elle avait l'avantage de la fluidité dans les dialectes Dakota, Lakota et Nakota des Sioux, en plus de l'anglais et du latin.

Ses compétences linguistiques et de sa connaissance intime de la culture traditionnelle et christianisée Sioux, avec son engagement profond à la fois pour les cultures amérindiennes permirent à Ella Cara Deloria d'effectuer d'importants travaux, souvent avant-gardistes dans l'anthropologie et l'ethnologie. Traductrice  en anglais de nombreux textes historiques et scientifiques Sioux, comme les textes de Lakota recueillis par George Bushotter (1864-1892), le premier ethnographe Sioux, ou encore les textes Santee enregistrés par les missionnaires presbytériens Gideon et Samuel étang, frères du Connecticut. 

Elle reçut des subventions pour sa recherche de l'Université Columbia, l'American Philosophical Society, la Fondation Bollingen, la National Science Foundation, et la Fondation Doris Duke, de 1929-1960s. Elle compila un dictionnaire Lakota jusqu’au moment de sa mort. Son travail est d’une valeur inestimable pour les chercheurs, encore à présent. 

Nénuphar, son roman racontant la vie traditionnelle des Dakota, fut écrit dans le but  de faire comprendre par le mélange de faits et d’empathie cette culture au plus grand nombre. Déplorant la sécheresse des textes scientifiques ainsi que l’inefficacité de ceux-ci dans la compréhension mutuelle de cultures différentes, elle fut poussée par ses connaissances scientifiques à produire ce texte hybride, précurseur en un sens de l’écriture anthropologique moderne qui, depuis, intègre ressentis et questionnements du chercheur.
Deloria eu un accident vasculaire cérébral en 1970, et mourut l'année suivante de la pneumonie.

  • En 1943 Deloria a remporté le Prix d'excellence indienne.
  • En 2010, le Département d'anthropologie de l'Université de Columbia, de Deloria alma mater, a établi le Ella Deloria C. cycle, bourse de recherche en son honneur.
  • Le cratère vénusien Deloria a été nommé en son honneur.

 Le pitch  

Oiseau Bleu, femme Dakota, s'est mariée précipitamment à un homme immature. Sur le chemin qui mène sa tribue au prochain lieu d'établissement du campement, elle donne naissance à Nénuphar, sa fille. Bientôt des changements s'opéreront dans la vie de Nénuphar, de sa mère et de sa grand-mère qui retrouveront leur famille de sang ainsi qu'une place sociale plus confortable. 

Grandissant sous les tipis de sa famille élargie, participant à la vie familiale domestique et rituelle, Nénuphar et Oiseau Bleu nous font vivre leur quotidien de femmes sioux du début du XIXiém siècle. 

Rythmé par les valeurs et croyances Dakotas, c'est tout un pan culturel et social que nous fait partager Nénuphar, en une immersion dans un monde où l'homme blanc n'était encore qu'une curiosité lointaine. 

 -Voyez, mes enfants, dit un jour le viel homme, c'est pour ça que j'ai prié. Pour que le cœur de la tribu soit disposé favorablement envers nous, pour qu'un cercle de sympathie se resserre autour de nous. Ma prière est exaucée, et j'en suis reconnaissant. 

Très vite, cette cérémonie  devint l'affaire de toute la tribu, car tous, un jour ou l'autre, avaient été touchés par la gentillesse de Gloku et voulaient la lui rendre. Souvent, ils ne se contentaient pas d'apporter un seul cadeau, mais en apportaient plusieurs, à des moments différents de la période de deuil. A en juger par la pile qui s'amoncelait, la redistribution des biens allait être grandiose. 


Ce que j'en ai pensé

Attrapé au hasard dans ma PAl afin de faire diminuer celle-ci, j'ai découvert que j'avais cette petite merveille sur mon étagère. Passionnée depuis l'enfance par les amérindiens ainsi que par les récits anthropologiques, ma rencontre avec cet ancêtre de Jim Fergus fut une réelle joie. 

Dés le début du récit, Ella Cara Deloria immerge le lecteur dans la vie d'Oiseau Bleu; un accouchement à l'écart de la piste, seule, au sein d'une famille par liens conjugaux avec lesquels n'existe pas vraiment d'affection. 

Loin des descriptions et digressions romantiques  des auteurs se sentant "la fibre amérindienne", ici il n'est pas question de visions du Grand Esprit à chaque pas ni d'une religiosité ridicule et caricaturale mais de règles sociales et rituelles rythmant la vie de tout un chacun, propriétaires de leur normalité. Inutile de tirer à boulets rouges sur certains auteurs et leur vision pathétique du bon sauvage...

Proche des romans de James Fenimore Cooper, Nénuphar immerge dans une culture sans points d'opposition ou de comparaisons avec la culture blanche, dans la tradition des monographies ethnologiques. Créant des personnages attachants et aux psychologies bien établies, Ella Cara Deloria rend vivante la vie de tout un peuple, ressuscitant un age à présent lointain. Passant des jeux d'enfants aux responsabilités d'adultes, des modes d'éducation aux  rituels funéraires, des moments de flirts aux travaux domestiques de tout un chacun, ce roman retrace la vie usuelle d'une grande nation. 

Écrit afin de faire comprendre les modes de pensées et de fonctionnements d'une culture, ce roman parvient à son but et plus encore, possédant de véritables qualités littéraires.  Les péripéties des divers protagonistes ainsi que leurs caractères rendent le récit palpitant, et le lecteur est plongé dans la vie du camp y prenant part au travers des personnages, s'appropriant une place dans le cercle. 

Touchant, ce roman contant à merveille les liens familiaux, amicaux et sociaux d'une société basée sur le don et l'honneur réussit à créer un lien entre le lecteur et les personnages. Reste à la fin de la lecture une nostalgie pour des personnages qui nous ont parus bien réels...

Les enfants qui s'étaient installés dans une position plus confortable finirent par s'endormir, la tête sur les genoux de leur mère. Elle les regardait tendrement en leur épongeant le front, car la journée était très chaude.
- Qu'est ce qu'une femme peut demander de plus que d'avoir les bras pleins d'enfants ?
 

En résumé... 

Les plus;
  • Une immersion dans la culture Sioux Dakota,
  • des personnages touchants et attachants,
  • un récit dont la clé d'entrée sont des femmes,
  • des péripéties et événements rendant le récit palpitant.

 Les moins;   

  • un texte bien peu connu qui mériterait une plus belle place dans les bibliothèques. 
 "Les présents que vous apporterez iront au meurtrier, ce sont les symboles de notre sincérité et de notre but. Comme il nous a blessés, il doit devenir quelque chose pour nous (un parent) à la place de celui que nous avons perdu. Le défunt était ton frère ? Alors, cet homme sera ton frère.  Ton oncle ? Ton cousin ? Pour moi, le défunt était mon neveu, son meurtrier sera mon neveu. A partir de maintenant, il deviendra l'un des nôtres. Nous le considérerons comme si notre cher défunt nous avait été rendu."


En conclusion;

Un coup de cœur immense pour ce roman contant le mode de vie de femmes et d'hommes à présent oublié. Touchant, drôle par moment, étonnant et immersif, ce roman est un trésor pour tout amoureux des cultures amérindiennes. 


cités dans cet article 


pour aller plus loin  


mardi 22 septembre 2015

Un parfum d'été de Jay Bell

Derniérement, Ben s'était interrogé au sujet de sa récente obsession, la rejetant comme s'il s’agissait d'une folie temporaire provoquée par ses hormones déchainées. Chose insensée ou non, revoir Tim raviva ces flammes qui le rongeaient. Il était tout, absolument tout ce que Ben cherchait chez un mec. Du point de vue extérieur, du moins. Le choix de ses fréquentations le fit douter sur tout le reste. 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Un très joli roman young adultes homosexuel écrit finement et intelligemment. L'histoire de Ben, ado bien dans sa peau et sachant ce qu'il veut, que nous suivons pendant plus de dix ans, de ses amours et de sa quête d'une vie heureuse. 

Jay Bell

Jay Bell est né le 19 février 1977 à Merriam, au Kansas. Pour simplifier les choses, disons qu’il a grandi là-bas même s’il a passé une dizaine d’année au Missouri et au Texas. D’après l’auteur, son enfance pourrait être résumée en deux mots : spécialiste de la rébellion. Il ajoute que cette définition pourrait également refléter son adolescence et sa vie d’adulte.

L’école n’a jamais été son truc. Professionnellement, il a longtemps travaillé dans le domaine du support technique et de l’informatique. Alors qu’il travaillait à Lawrence, au Kansas, il a rencontré son futur époux. Andreas était un étudiant qui suivait un programme d’échange et qui venait d’Allemagne, un pays qui n’avait jamais attiré l’attention de Jay avant cette rencontre. Selon l’auteur, Andreas était la parfaite combinaison de la beauté, de l’intelligence, de la gentillesse et du talent. Il ne lui en avait pas fallu davantage pour tomber amoureux. Avec humour, Jay Bell avoue ne pas comprendre ce qu’Andreas avait vu en lui. Cependant, ils ont fait leurs valises, emporté les chats et déménagé en Allemagne pour se marier.

Comme il ne parlait pas allemand, Jay Bell s’est retrouvé sans emploi, ce qui lui a permis de se consacrer, à plein temps, à l’écriture. L’auteur dit avoir toujours aimé les livres, s’immerger dans des mondes fantastiques et se laisser submerger. Il a grandi s’émerveillant du génie créatif de C.S. Lewis, Piers Anthony, Robert Asprin, Terry Brooks et même de cet homme qui a écrit la série Monsieur Madame. Jay Bell, même s’il trouve la tâche ardue, s’efforce d’ajouter ses propres récits aux innombrables romans déjà parus. notamment aux éditions mxm bookmark.

Si vous voulez en savoir plus sur l’auteur, ses passe-temps et ses centres d’intérêt, n’hésitez pas à consulter son blog sur : Jay Bell books
, ou sur goodreads.

Jace était différent. Il aimait tellement les chats que cela émanait de lui et que d'un certaine manière, cela changeait le monde. Même le chat le plus sauvage se laissait caresser, complétement consentant. Il était une sorte de version gay de Blanche Neige avec toutes les créatures de la forêt dans son sillage. 
- Je t'aime, dit Ben. 


Le pitch  

L’amour, comme toutes les choses de l’univers, ne peut être détruit. Mais il peut changer au fil du temps. 

Pour Ben, les chaudes nuits du Texas étaient synonyme de solitude avant que son cœur ne commence à battre au rythme de deux mots : Tim Wyman. De toute évidence, Tim a un corps parfait et une vie idéale. Mais quand ils se rencontrent à cause d’une simple collision – pas si accidentelle que ça – Ben découvre que la vérité n’est pas toujours aussi simple. Si gagner le cœur de Tim était une quête quasi-impossible, le garder l’est encore plus. Surtout quand la famille, la société et les émotions menacent de les séparer.

Un parfum d’été est une histoire d’amour qui se déroule sur plus d’une décennie et qui commence lorsque deux jeunes garçons découvrent ce que signifie être amis, amants et parfois même ennemis.

  
Ce que j'en ai pensé

Dernièrement, au cours d'une réunion de Parlons livres, j'ai râlé sur le manque de littérature YA et bit lit dans lesquelles des histoires d'amour homosexuelles soient assumées et au premier plan de l'intrigue et non pas utilisées comme élément décoratif, estimant que tout un chacun a droit à sa part de romans à l'eau de rose... Litote ayant fait circuler un lien cherchant des partenariats pour Un parfum d'été, j'ai sauté sur l'occasion. 

Je ne suis pas homosexuelle et encore moins un homme, et je n'ai pas non plus d'adolescents homosexuels dans mon entourage. Je ne suis donc pas la cible visée, mais j'ai pris à cœur de lire ce très joli roman, pensant que si j'avais un ado gay j'aimerai qu'il puisse avoir sa part de rêveries amoureuses littéraires... J'ai beaucoup aimé cette histoire qui m'a touchée et émue par certains cotés, et ai été ravie de la variété des personnages et de leur constructions psychologiques solides et intéréssantes.

Ben, le héro que nous rencontrons alors qu'il va encore au lycée, est un jeune homme équilibré et courageux sachant qui il est et ce qu'il veut dans la vie. Loin des images stéréotypées de l'ado homo mal dans sa peau, j'ai apprécié cette vision réaliste et positive d'un jeune homme pour qui, certes, la vie de lycéen n'est pas si facile,  mais qui a une vie sociale, une meilleure amie adorable et des parents équilibrés et acceptants. 

Juste avant la rentrée, Ben flash sur un jeune homme de son age qui fait du footing par chez lui et qui possède des baskets bleues électriques et quelques autres atouts non négligeables... La rencontre se fera, la relation entre amitié et amour évoluera, avec ses complications car si Ben et sa famille sont au clair avec sa sexualité (Ben ayant fait son coming out à 13 ans), la situation psychologique et familiale de Tim est tout autre... 

Découpé en quatre parties, la dernière étant plus une sorte d'épilogue, ce roman nous mènera de la première partie se déroulant au lycée  jusqu'à l'université puis la vie d'adulte de Ben. 

Relatant avec réalisme sans tomber dans des descriptions scabreuses les sentiments, les expériences sexuelles et les questionnements des divers personnages, Un parfum d'été est un roman délicat et rempli d'humour  posant les questions de la passion et de l'amour, des relations amicales et touchant à quelques problématiques plus sombres telles que celles de la mort,de la violence domestique ou de l’alcoolisme. 

Certes moins "cucul" que les romans pour jeunes-filles, Un parfum d'été est un magnifique roman d'amour(s) destiné à de jeunes adultes ou grands ados, qui m'a tiré quelques larmes et que j'ai trouvé profondément vrai dans ses questionnements sur les relations amoureuses.

Apparemment en cours d'adaptation pour le cinéma, Un parfum d'été possède d'autres petits frères du même auteur, dont un tome 2 (sur 4) qui paraitra bientôt en France sous le titre Un parfum d'hiver.

Pour quelle raison ce que les gens étaient à l'intérieur ne correspondait-il pas à ce qu'ils étaient à l’extérieur? Le monde serait tellement merveilleux si plus une personne était gentille, plus elle devenait belle.

En résumé... 

Les plus;
  • Un très joli roman d'amour,
  • des personnages bien construits psychologiquement et attachants,
  • une vision réaliste et positive de la vie d'un ado gay, 
  • une plume agréable et possédant un certain humour.

 Les moins;  
  • Le dernier chapitre et l'épilogue que j'ai trouvés de trop... Mon cœur d’artichaut n'ayant pas apprécié les événements amoureux que l'auteur à choisit de faire vivre à Ben. 

    Ben allait devoir lui demander d’arrêter.  Il ouvrit les yeux pour le faire et vit son amant au-dessus de lui, le corps baigné de la lumière bleue surnaturelle du sapin.  Le visage de Tim était emporté par la passion et plus beau que jamais.  Ben fut tellement ébloui par cette vision féérique qu'il oublia son mal et se détendit. La douleur disparut, remplacée par quelque chose comparable à du plaisir.

     

    En conclusion;

    Une très jolie découverte pour moi, même si ce genre littéraire (YA) n'est pas ma tasse de thé habituelle. Néanmoins je me suis régalée à lire cette jolie histoire, même si certains passages tristes m'ont parus de trop... Je suis également ravie si cet article permettra à certains d'entre vous de découvrir les éditions mxm-bookmark !

     

jeudi 17 septembre 2015

La perle de John Steinbeck

Car on dit que l'homme n'est jamais satisfait ; qu'une chose lui soit offerte et il en souhaite une seconde. Cela est dit dans un sens de dénigrement et c'est cependant là une des plus grandes qualités de la race humaine, celle qui la rend supérieure aux animaux, lesquels se contentent de ce qu'ils ont.


Si vous ne lisez que ces lignes;

Faire parler une culture non-verbale, écrire sur une humanité  qui pense sans littérature, c'est là le tour de force de Steinbeck dans La perle. Tiré d'un conte traditionnel mexicain, ce court roman humaniste sur des amérindiens californiens la force d'un tsunami. 

 Il avait dit : « Je suis un homme » et cela signifiait beaucoup de choses pour Juana. Cela signifiait qu’il était à moitié fou et à moitié dieu. Cela signifiait que Kino se lancerait de toute sa force contre une montagne, précipiterait toute sa force contre la mer. Dans son âme de femme, Juana savait que la montagne resterait immuable tandis que l’homme se briserait ; que les marées se poursuivraient tandis que l’homme se noierait. Et cependant, c’est tout cela qui faisait de lui un homme, demi-fou, demi-dieu, et Juana avait besoin d’un homme ; elle ne pourrait pas vivre sans un homme. 


John Steinbeck

fils de John Steinbeck Senior, qui est trésorier, et d'Olive, une enseignante. Son grand-père paternel est d'origine allemande. Il a trois sœurs : Elizabeth (1894-1992), Esther (1892-1986) et Mary (1905-1965). Après le lycée de Salinas, il étudie à l'université de Stanford, mais abandonne ses études et part à New York en 1925.
Il travaille brièvement au New York American et rentre à Salinas en 1926. Son premier roman, La Coupe d'or, une fiction historique écrite en 1929, n'a pas de succès. En 1936, il publie Des souris et des hommes et En un combat douteux. Trois ans plus tard parait, ce qu'il considère comme sa meilleure œuvre, Les Raisins de la colère. En 1940, lorsque le roman est adapté au cinéma, il reçoit le prix Pulitzer. Il publie son autre grand roman À l'est d'Éden en 1952.

Tortilla Flat, écrit en 1935, lui vaut son premier prix littéraire, la médaille d'or du meilleur roman écrit par un Californien décernée par le Commonwealth Club of California. Cette histoire humoristique lui assure le succès. Il devient ami avec son éditeur, Pascal Covici.

Dans ses romans, Steinbeck met souvent en scène des personnages issus de la classe ouvrière confrontés à la Grande Dépression en Californie.

Tout au long de sa vie, John Steinbeck aime se comparer à Pigasus (de pig, cochon en anglais et Pegasus), un cochon volant, « attaché à la terre mais aspirant à voler ». Elaine Steinbeck explique ce symbole dans une lettre en parlant d'une « âme lourde mais essayant de voler ». 

Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1962 ainsi que
la médaille de la Liberté des États-Unis en 1964. 

La perle, parut en 1947, à été adapté au grand écran.  La Perle (La perla) est un film américano-mexicain réalisé par Emilio Fernández, sorti en 1947. Il a été tourné en deux versions alternatives, l'une anglaise, l'autre espagnole. Depuis 2002, il est inscrit au National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès.

Bien qu'il fût encore très tôt, le mirage brumeux s'était déjà levé. Cette atmosphère incertaine qui amplifie certaines choses et en dissimule d'autres, enveloppait le Golfe tout entier, si bien que le panorama semblait irréel et qu'on ne pouvait pas faire confiance à ses yeux : la mer et la terre offraient tout à la fois la précision aiguë et la nébulosité d'un rêve. C'est sans doute pourquoi les gens de Golfe croient aux choses de l'esprit, de l'imagination, mais ne s'en remettent jamais à leurs yeux pour estimer une distance ou évaluer un détail avec quelque exactitude.


 Le pitch 

Dans la ville, on raconte l'histoire d'une grosse perle - comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau ; l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. Et comme l'histoire a été si souvent racontée, elle est enracinée dans la mémoire de tous. Mais, tels les vieux contes qui demeurent dans le cœur des hommes, on n'y trouve plus que le bon et le mauvais, le noir et le blanc, la grâce et le maléfice - sans aucune nuance intermédiaire.

Jouant de sa lame comme d'un levier, il le fit céder et le coquillage s'ouvrit. Les lèvres de chair se crispèrent puis se détendirent. Kino souleva le repli et la perle était là, la grosse perle, parfaite comme une lune. Elle accrochait la lumière, la purifiait et la renvoyait dans une incandescence argentée. Elle était aussi grosse q'un œuf de mouette. C'était la plus grosse perle du monde.

 

 Ce que j'en ai pensé

Kino et Juana sont des indiens de la péninsule mexicaine de Basse-Californie. Simples pêcheurs, leur peuple vie dans des huttes aux portes de la ville des blancs, riches et excluants. Deux mondes cotes à cotes qui n'ont quasiment aucun échanges, les blancs méprisant les indiens, les voyant comme des sauvages. 

Roman anthropologique avant l'heure, La perle décrit un de ces peuples qui habitent encore le temps mythique si cher à Mircea Eliade ou Claude Lévi-Strauss, un temps où le profane et le sacré ne sont pas encore déterminés l'un de l'autre.  

Kino et Juana n'ont pas de grands besoins et leur vie s'écoule, rythmée par le silence du quotidien. Un jour cependant, le mirage de la civilisation se fait impétueux, seule solution miroitante à leurs yeux pour sauver leur fils ;La Perle.  

Allégorie du tout désiré chez celui qui semble tout posséder, miroir aux alouettes, La Perle est ici, l'aller sans retour du simple et du naïf ne sachant voir la richesse qu'il possède vers l'enfer qui accompagne la civilisation occidentale. Négatif total du K de Buzzati, ici la perle n'est pas une offrande qui révélera le meilleur en chacun, bien au contraire, elle sera de celles qui transforme les humains en requins....    

L'écriture, superbe, de Steinbeck, est à elle seule une raison suffisante pour lire ce magistral bien que fort court roman. A cela s'ajoute une dimension humaniste débarrassée de tout paternalisme, usant des thèmes universels de la dignité, de l'amour filial ou encore du désir de réussite, notion si vague et floue, qui habite chaque être humain, mais également nos plus bas instincts dont Kino sera la proie...

La nature, force implacable et belle, y est présente et s'adjoint au cycle de vie et de mort, chantant d'une voix sourde la même mélopée que celle de la mer pour le vieil homme d’Hemingway. Roman tragique, c'est avec fascination que l'on lit l'histoire de Sisyphe de Kino et Juana, espérant de façon irrationnelle que le roman et le destin auront un sursaut de bonté: anthropomorphisme des religions premières nous restant face à l'absurde de la vie. 

Au sortir, l'évidence s'impose; nous n'avons donc jamais été modernes....

Kino hésita un instant. Ce docteur-là n'était pas des siens. Il faisait partie de la race qui, pendant prés de quatre siècles, avait battu, volé, affamé et méprisé Kino et ses pareils et les avait si bien terrorisés que l'indigène, désormais, ne se présentait devant sa porte qu'avec humilité. Et, comme chaque fois qu'il approchait l'un d'eux, Kino se sentait faible, craintif, famélique, et plein de rage tout à la fois. La haine et la peur vont de pair. Il aurait pu tuer le docteur plus aisément que l'affronter, car tous ceux de la race du docteur parlaient à ceux de la race de Kino comme s'ils avaient été de vulgaires animaux.


En résumé... 

Les plus;
  • Un style intemporel et inimitable,
  • un conte universel,
  • un chef d’œuvre littéraire. 

 Les moins;   
  • Trop, très court,  donc à déguster...
 Nous savons bien que nous sommes volés, depuis notre naissance jusqu'au prix exorbitant de nos cercueils. Mais nous survivons. Ce que tu as défié, ce n'est pas les acheteurs de perles, mais le système entier, toute une manière de vivre, et je tremble pour toi.
 
 

En conclusion;

Conte sur le pouvoir de l'argent et des rêves toxiques sur l'humain, La perle est une histoire si simple qu'elle aurait pu être banale. Par la plume de Steinbeck elle y trouve une dimension mythologique, devenant conte cruel. Entre les pages rient en silence des dieux cruels, regardant les graines des poisons semés dans le cœur des Hommes germer. 
 
 Ces flaques étaient des foyers de vie, grâce à leur eau et, 
par cette même eau, des foyers de mort.
 
 
 cités dans cet article

 
 Pour aller plus loin

Il est a se demander si le peuple cité dans ce roman, ou du moins sa triste survivances n'est pas le peuple Chumash...