vendredi 3 juin 2016

Bart is back de Soledad Bravi

Bart a chaud. Il n'est que 10 heures du matin pourtant. 
 
 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Une bd sur un chat zombie ! Un petit moment de rigolade acide, où l'on suit de vies en vies les morts absurdes et cruelles de ce chat pas si sympathique que cela !  


Soledad Bravi 

Fille de l'éditrice Mila Boutan, Soledad Bravi sort diplômée de l’École supérieure d’arts graphiques Penninghen en 1988. 
 
Elle travaille comme directrice artistique dans la publicité, puis devient illustratrice professionnelle en 1993 à la naissance de son premier enfant. 

Elle est l'auteur de nombreux livres chez différents éditeurs (Marabout, Gallimard, Seuil, Mila). Elle collabore avec Monoprix, Colette, le pâtissier Pierre Hermé. 

Depuis mai 2012, elle signe une page hebdomadaire dans Elle.

Vous trouverez ici une interview à l'occasion de la sortie de son ouvrage aux éditions Denoël  relatant les aventures de Bart.  


Le pitch  

 En 2015 à Tampa, Floride, un chat enterré depuis cinq jours sort de la tombe à la stupeur de son propriétaire et à l'effroi de ses voisins. 

Les médias le surnomment aussitôt Zombie Cat. S'inspirant de ce fait divers réel, Soledad Bravi imagine, dans le droit fil des maîtres du New Yorker, une ode malicieuse à la vie et à la liberté. 


Ce que j'en ai pensé

Aussitôt arrivé, aussitôt dévoré ! (zombie blogueuse !!). Les tressautements ne mettent pas longtemps à se manifester, entrecoupés de quelques francs fou-rires... Reste à aimer l'humour noir et le sarcasme. 

Les invités passent, chacun repère l'opus, se pose et s'enferme dans sa bulle en ricanant des facéties imaginées par Soledad Bravi.

Proche tant par le trait que par l'humour caustique des plus grand illustrateurs de la presse, principalement américaine, Soledad Bravi s'apparente de par son travail à de grands noms tels que  les maitres que sont Ronald Searle et Charles Addams ou encore Quentin Blake. 

Drôle et cynique,  cherchant le rire dans le politiquement non-correct, l'humour croque ici les traits de notre société, dénonçant le moche et l'absurde. 
 
Adorateurs des chats, vous rirez de bon cœur des aventures de ce félidé moche et méchant, de ses envies de gloire, de voyage, de révolte contre le système que partagent bon nombre d'individus de nos sociétés,  et cerise sur le gâteau : des morts gores ou effroyables de ce personnage revanchard. 

Certes, l'addition est salée pour nos amis chinois, les légendes urbaines y sont largement usées, et la clef de voute créant du rythme dans le récit (à savoir les neufs vies d'un chat) est un poncifs... 

Mais là est le tour de force, peut-être, de Soledad Bravi ; mettre le lecteur face à face avec l'inconfort des blagues xénophobes, l'absurdité des heures passées à regarder des lol-cats sur le net, ou encore la fascination morbide pour les faits divers dont tout un chacun a sentit un jour la caresse malsaine. 

Bart est donc un personnage permettant la catharsis, exprimant le ras-le-bol de tous, l'envie de bouffer la voisine ou celle de dire "fuck" à la société. 

Salvateur comme un verre d'eau fraiche après une longue journée, méchant mais loin d'être bête, cette petite bd vous tirera à n'en pas douter des sourires de toutes les couleurs !


En résumé... 


Les plus;
  • Un humour caustique faisant effet de miroir,
  • un personnage détestable loin des mignons petits chats qui nous envahissent, 
  •  une rythmique apportant des gags imprévus mais aussi des répétitions,
  • un pétage de plombs qui fait du bien. 
     
 Les moins
  •  Un trait de dessin qui ne plaira peut-être pas à tous mais qui m'a séduite,
  • des poncifs, notamment sur les chinois, prenant une grande place dans le récit. 

En conclusion;

Roman graphique drôle et caustique, Bart is back vous fera passer un excellent moment. Le rire y est cruel, cathartique, la perception de nos sociétés sans concession, et ce mélange est salvateur à une époque où l'uniformité menace. 

Pour aller plus loin  









mercredi 1 juin 2016

Le monde des contrées, l'oeuvre de Jacques Abeille, par les 400 coups et Eric Darsan

Jusqu’au moment, au bout de quelques mois, où l'on ne récoltera plus que quelques figurines de la hauteur d'un doigt ; encore les dernières ne dépassaient-elles guère la dimension de l'auriculaire. A cet instant, tandis qu'à une extrémité du domaine on récolte ces statues amenuisées jusqu'au volume du bibelot, à l'autre extrémité on a déjà planté une nouvelle vague de germes.


Si vous ne lisez que ces lignes;

Voici une double entrée  dans le monde littéraire de Jacques Abeille, auteur prolifique ayant écrit une quarantaine d'ouvrages dont huit forment le cycle principal des contrées. Double entrée grâce à la présentation écrite par Eric Darsan, mais également grâce aux œuvres illustrant ce magnifique objet, produites par le collectif des 400 coups. Découverte totale d'un monde de l'imaginaire qui m'était inconnu et qui est d'ors et déjà inscrit dans ma liste de lectures à venir ! 



Jacques Abeille


Jacques Abeille, dit aussi Léo Barthe, est un écrivain français né en 1942. Il est l'auteur d'une œuvre romanesque difficilement classable, qui a été couronnée par la mention spéciale du Prix Wepler en 2010. 

Orphelin en 1944, Jacques Abeille est tout d'abord élevé par un oncle. Il s'installe à Bordeaux en 1959, après avoir vécu en Guadeloupe. Il y étudie la psychologie, la philosophie et la littérature, et devient professeur d'arts plastiques. Il écrit dans le Bulletin de Liaison Surréaliste, et dans la revue La Brèche.
 
Son premier roman, La Crépusculaire, est publié par Régine Deforges en 1971, mais la faillite de la maison d'édition L'Or du temps empêche la publication des Jardins statuaires. Malgré les recommandations de Julien Gracq, José Corti ne publie pas les Jardins statuaires. Cette oeuvre est finalement publiée chez Flammarion en 1982.

Son œuvre la plus connue, la série romanesque du Cycle des contrées, se déroule dans des pays imaginaires.

Jacques Abeille se définit comme « l’archiviste de ses propres textes » : ceux que l’on écrit pour garder la trace du présent (le cahier de Barthélemy Lécriveur dans Le Veilleur du jour), ceux qui structurent la société (Les Jardins statuaires) ou encore ceux qui sont enracinés dans le sable (les stèles de L'Écriture du désert).

Il a été lauréat en 2015 du Prix Jean Arp de littérature francophone.

 Le Cycle des Contrées (Prix Wepler 2010) :
  • 1. Les Jardins statuaires, Flammarion, 1982. Rééd. Joëlle Losfeld, 2004. Rééd. Attila, 2010. Nouvelle édition, « Folio », Gallimard, 2012.
  • 2. Le Veilleur du Jour, Flammarion, 1986 (rééd. Ginkgo éditeur/Deleatur, 2007).
  • 3. Les Voyages du Fils, Ginkgo éditeur/Deleatur, 2008.
  • 4. Léo Barthe, Chroniques scandaleuses de Terrèbre, Ginkgo éditeur/Deleatur, 2008.
  • 5. L’explorateur perdu
  • 6. Les Mers perdues, dessins de François Schuiten, Attila, 2010.
  • 7. Les Barbares, dessins de François Schuiten, Attila, 2011.
  • 8. La Barbarie, dessins de François Schuiten, Attila, 2011.
 Un très bel article sur l'auteur par esprits nomades ici.



Le collectif les 400 coups 


Chaque année, le Tripode propose à vingt artistes-sérigraphes d'offrir leur vision d'un livre de la maison d'édition sous forme de 20 estampes.  Le projet des 400 coups s'arrêtera avec un vingtième texte en 2023  et 400 estampes au final, d'où son nom.

Expositions itinérantes, sérigraphies en éditions limitées, œuvres au service de la découverte d'un auteur, le collectif des 400 coups est une démarche artistique engagée et engageante. 

Cette année, un collectif de vingt artistes contemporains a lu Les jardins statuaires. De ces vingt lectures sont nées vingt affiches imprimées en sérigraphie.

Que ces vingt artistes-sérigraphes soient ici nommés : Medhi Beneitez, Antoine Ronco, Julien Lemière , Lilian Porchon, Sophie Glade, Eléonore Hérissé, Anna Boulanger, Julien Duporté, Anthony Folliard, Julie Giraud, Estelle Ribeyre, Olivia Sautreuil, Marie Drancourt , CLoïc Creff, Sylvain Descazot, Nicolas Thiebault-Pikor, François Marcziniak, Eric Mahé, Audrey Jamme, Mathieu Lautrédoux.


Leurs parutions ;
Tokyo infra-ordinaire, de Jacques Roubau, 2014 
Le conte de la dernière pensée, de Edgar Hilsenrath, 2015
Le monde des contrées, d'Eric Darsan, 2016

Ici un blog retraçant leurs péripéties.  

Eric Darsan 

Ancien libraire et historien de formation, avec les utopies pour domaine de recherche, Éric Darsan est un lecteur attentif des œuvres de Jacques Abeille depuis plusieurs années.

Libraire, écrivain et chroniqueur habitant en Bretagne, il  propose régulièrement des articles sur ses lectures.

Suivez ses articles sur son blog ici

Ce que j'en ai pensé

C'est grâce à la Voie des indés qui met à l'honneur chaque mois des petites maisons d’éditions permettant aux membres du réseau social de lecteurs Libfly d'en découvrir des titres, que j'ai put m’émerveiller sur ce superbe livre-objet. 

Livre concept, beau comme une bande dessinée de luxe, porte ouvrant sur un univers entier; voilà un ouvrage qui possède toutes les qualités pour plaire !

Dans un premier temps, la découverte d'un auteur de science-fiction aux accents d'ethnographie, francophone, ayant créé un univers entier fut une totale joie pour l'amoureuse des littératures de l'imaginaire que je suis. En effet, si les auteurs français du genre pâtissent de l'image caricaturale et populiste que la littérature sf se traine encore dans notre beau pays, nombreux sont les auteurs ayant produit des ouvrages d'une grande qualité... Citons entre-autres Barjavel, Boule, Bordage, Douay, Damasio, Dufour etc. 

Dans un deuxième temps, le très bon texte didactique proposé par Eric Darsan, rendant moins rugueuse et hermétique l'approche des écrits de Jacques Abeille. Soulevant les voiles pour que vous y jetiez un regard émerveillé ou interloqué sans jamais totalement dénuder la mariée, il réussit le tour de force de proposer un guide touristique de l’œuvre d'un écrivain sans le vandaliser pour autant. 

Enfin, la mise en abîme de ce texte par les œuvres du collectif Les 400 coups, ouvrant à la poésie d'une œuvre est un délice. Éminemment poétiques, chacune de ces sérigraphies donne un avant gout des traces mémorielles que laisseront potentiellement les mots. 

Pour couronner cette fête littéraire, la découverte du concept qu'ont imaginé les artistes du collectif et la maison d'édition Le tripode, ainsi que l'existence de deux précédents ouvrages procédant de la même intention ; faire découvrir un auteur et son œuvre au travers de l’alliance des mots et des formes. 

Artbook de ce qui se fait de mieux dans l'édition, cadeau pour chaque lecteur lassé des formats et couvertures stéréotypés par le merchandising, Le monde des contrées est une pause gourmande et stimulante ouvrant sur d'autres horizons... 
Un objet de sf, donc, en soi ? 

En conclusion;

 Une œuvre entière de plus dans ma PAL (pile à lire), et un très bel objet peuplant de son beau ramage mes rayonnages. Paraissant au rythme d'une publication par an, je suivrai avec plaisir et curiosité les production du collectif Les 400 coups aux éditions Le tripode  !  

Quelques œuvres de Jacques Abeille