vendredi 18 mars 2016

Journal d'un vampire en pyjama de Mathias Malzieu

Je veux être ébloui à m'en cramer la rétine. Je suis un vampire qui aime la lumière car le souvenir de mes sensations d'être humain n'a pas totalement disparu. Respirer l'odeur du vent, avec ce gout de châtaigne et de feuilles mortes. Planter un stéthoscope dans les nuages pour écouter le bruit de la pluie qui se fabrique. Manger les derniers flocons de l'hiver à même le ciel. Et ce dont je rêve par-dessus tout : aller chercher le pain, manger le quignon en marchant et acheter les journaux. 


Si vous ne lisez que ces lignes;

La poésie comme arme de survie, la métaphore amoureuse des petites choses rendant les monstres plus dociles et les cauchemars-tigres domptables.  Un récit de traversée de fin de vie avec renouveau, une histoire sans fin où le néant montre les dents à chaque instant, le héro étant aidé de nymphirmières, de professeurs loufoques vivant peut-être sur des astéroïdes le tout sous la douce caresse de la Rose du petit prince-renard flamboyant qu'est Mathias Malzieu... 

Les mailles du filet qui m'emprisonnent sont désormais plus serrées qu'une cotte de mailles. L'en-fer. Aux prises avec des doutes en métal lourd, je porte une armure qui se rebelle contre moi et me détruit de l'intérieur.

Mathias Malzieu 

Mathias Malzieu est le chanteur du groupe de rock français Dionysos et un écrivain français.

En 1993 il est rejoint par trois de ses copains du lycée (Eric Serra Tosio, Mickael Ponton et Guillaume Garidel), avec lesquels il formera le groupe Dionysos (la chanteuse et violoniste Babet les rejoindra en 1997).

En plus des nombreux disques et concerts de son groupe, il a écrit un recueil de nouvelles (38 mini westerns avec des fantômes) et deux romans. Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi a été écrit après le décès de sa mère et en l'honneur de sa sœur Lisa, et a inspiré l'album "Monsters in Love". Il a été suivi le 24 octobre 2007 par La Mécanique du cœur, dont on retrouve des éléments de l'histoire dans l'album musical du même nom.

Le 1er avril 2011 est publié son roman Métamorphose en bord de ciel qui va permettre d'inspirer quelques chansons de l'album Bird 'n' Roll de Dionysos sorti le 26 mars 2012.

En 2013, il a publié Le plus petit baiser jamais recensé et L'Homme volcan.

Le 5 février 2014 sort Jack et la Mécanique du cœur, un film d'animation français en images de synthèse réalisé par Stéphane Berla et Mathias Malzieu. Le film est inspiré par le livre La Mécanique du cœur de Mathias Malzieu et par l'album éponyme de Dionysos. 

Son dernier roman, Journal d'un vampire en pyjama, retrace sa lutte contre une maladie auto-immune avec poésie, humour et amour. 


Le pitch  

Ce livre est le vaisseau spécial que j'ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles. Panne sèche de moelle osseuse. Bug biologique, risque de crash imminent. Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, cela donne des rencontres fantastiques, des déceptions intersidérales et des révélations éblouissantes. Une histoire d'amour aussi. Ce journal est un duel de western avec moi-même où je n'ai rien eu à inventer. Si ce n'est le moyen de plonger en apnée dans les profondeurs de mon cœur. 

Me faire sauver la vie est l’aventure la plus extraordinaire que j'aie jamais vécue.  

Ce que j'en ai pensé

Les poètes manquent cruellement à notre époque. Par poètes, entendons les prestidigitateurs du réel, les funambules qui rendent poreuses les frontières entre rêves et vécu, les dompteurs de mots et de nuages.

Mathias Malzieu est de cette race rare:  rêveur de sa propre vie sans pour autant la fuir, se battant même grâce aux armes que lui procurent son imaginaire quand l'adversité frappe. Voici donc le récit d'un parcours long et laborieux dans la maladie, aux frontières de la mort, de la découverte de celle-ci jusqu'à la renaissance. 

Si l'humour et l'amour de la vie et des gens sont fortement présents tout au long du récit et imbibent tout, déteignant comme de l'aquarelle sur du buvard, les détails médicaux ne nous sont pas pour autant épargnés. Cathéters et autres ponctions, isolement du malade, prévenance et efficacité du corps médical, résultats d'analyses angoissants; la vie du malade et les obligatoires objets et événements ponctuant la vie rythment ce journal intime. Mais là encore, un belle tendresse et une réelle reconnaissance vis-à-vis des soignants embellit la réalité vécue, la violence du corps et les douleurs.

La grande force de Mathias Malzieu est certainement d'avoir conservé et même nourrie sa grande créativité par cette aventure ; nourrir le feu par le feu. Chansons, dessins, film et même création d'un label musical alliant gouters d'amis et fauteuil-œuf ; tout est bon pour hurler sa vitalité et la faire perdurer coûte que coûte.

Car Mathias Malzieu n'affabule pas pour le plaisir du lecteur, ne fait pas l'artiste pour supporter le réel ; il est et retranscrit sa perception du monde, décalée, poétique et riante même dans les moments les plus noirs. Création d'une mythologie et personnification des événements sont de réels ressorts lui appartenant, à n'en pas douter. 

Parler de l'intimité de son corps, de sa mort ou de ses proches sans tomber dans le nombrilisme égotique, raconter ses avancées, victoires ou défaites comme celles d'un premier de cordée, cela est bien plus complexe qu'il n'y parait. Frais, naïf par moments, profond à d'autres, Le journal d'un vampire en pyjama fait l'économie de tous ces travers de littérature.  
 
Véritable ovni donc, que ce roman-carnet intime, car si tout est passé à la moulinette par le cerveau poétique de l'auteur, rien ne fait toc et tout fait sens. De même, l'incroyable capacité de rassembler les puzzles de son identité et de son vécu au-travers de ses précédentes œuvres, prescience légère de qui se promène le nez dans les nuages et les pieds sur un skateboard. 

Au cœur de toute cette mécanique, des mots doux et une tendresse inouïe pour ses proches m'ont émue. La grande-petite sœur qui lutte, le papa avec qui échanger passionnément de foot, l'amoureuse Rosy incroyablement forte dans la tempête. S'il y eut des lâches et des faibles, de ceux qui affaiblissent quand toutes les forces sont nécessaires, il est certain que Mathias Malzieu possède une intelligence du cœur et une incroyable propension au bonheur. 

Je remercie la nuit de faire pousser un corps de fée aux bras tendres comme des croissants chauds dans mon lit. Vivre avec Rosy, c'est un peu avoir le droit d'adopter un animal magique. J'ai l'impression d'être les sept nains à la fois et de voir Blanche-neige transformer la poussière en étoiles. Nuit et jour elle combat à mes cotés. Écoute. Donne de l'élan. Encourage. Ne baisse jamais la garde. Protège le royaume de mes songes, protège la flamme qui m'anime. 
 

En résumé... 

Les plus;
  • Un récit poignant, 
  • une vision métaphorique et poétique du monde, 
  • une immense tendresse pour les êtres humains.

 Les moins;   
  • Je n'en voit aucun ; l'objet est un joli concept et donne envie de découvrir l'album de Dionysos qui lui est apparenté.  
 

En conclusion;

Une tranche de vécu dans la tête d'un poète, une aventure grave mais extraordinaire. Outil de résistance, objet de confidences, brouillon d'album de musique, carnet intime et journal de bord dans la tempête, Le journal d'un vampire en pyjama est tout cela et bien plus encore. Embarquez moussaillons !!

Être entouré de livres  me réconforte, cet endroit est une caverne d'Ali Baba pour qui aime lire. On se croirait dans un grenier magique, à l'intérieur d'un arbre dont les feuilles seraient des livres. J'ai trouvé mon église, j'y dissous une partie de mes angoisses. 
 

jeudi 10 mars 2016

Contes d'un royaume perdu d'Erik L'Homme

Chitral est un pays perdu au bout du monde, un royaume de vallées sauvages, cerné par des montagnes immenses. Derrière ces montagnes, il y a de hautes terres désolées, et un ciel profond où viennent mourir les nuages lorsqu'ils sont trop vieux. 
 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Lu dans le cadre du tour du monde littéraire, ce recueil de trois petits contes est une belle découverte. Découvertes d'une culture et d'une sagesse matinée d'humour, d'un pays qui m'était inconnu mais aussi d'un auteur parlant merveilleusement bien d'un pays et de gens qu'il connait intimement. Beau dans la forme, le fond et l'intention ; n'hésitez pas !

Erik L'Homme


Erik L'Homme passe son enfance à Dieulefit, dont la branche maternelle de sa famille est originaire. Il n'aime pas trop l'école (sauf les matières littéraires) et s'épanouit principalement dans le cadre d'activités parascolaires (piano, rugby…) et des randonnées dans la nature qu'il pratique en compagnie de son père et de ses frères.

La passion de la nature ne le quittera d'ailleurs jamais, et après avoir passé une maîtrise d'histoire à l'université de Lyon, il part à la découverte du monde pendant de nombreuses années, accompagné de l'un de ses frères, photographe, dans des voyages qui les conduiront du Pakistan à la Malaisie en passant par l'Afghanistan, les Philippines, le Liban, le Maroc et la Thaïlande.

De retour en France, il reprend des études doctorales à l'EHESS puis écrit son premier ouvrage, consacré au royaume de Chitrâl (Pakistan) où son frère et lui ont séjourné pendant deux ans, et à sa langue (le khowar) qu'ils y ont apprise. Après sa rencontre avec Jean-Philippe Arrou-Vignod, auteur et directeur littéraire chez Gallimard, il se lance dans l'écriture de romanes jeunesses avec la publication en 2001 de Qadehar le sorcier, premier tome de la trilogie Le Livre des étoiles. Une première publication qui recevra dès sa sortie le prix Jeunesse du Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges.

Il a notamment publié la trilogie Le Livre des étoiles, celle des Maîtres des brisants (un space opera), l'album des Contes d'un royaume perdu (illustré par François Place), Phænomen, thriller fantastique en trois tomes également qui commence à avoir du succès à l'étranger, ainsi que les premiers tomes d'une nouvelle série fantastique intitulée A comme Association, commencée avec Pierre Bottero.

En 2014, avec la série Terre-Dragon, il revient au genre de la fantasy qui était celui du Livre des étoiles.

François Place 


Après un bac littéraire, il fait des études de communication visuelle à l’école Estienne. (1974-1977) Il travaille pendant quelques années comme illustrateur indépendant pour des studios de graphisme et de publicité et des journaux professionnels. Ses premières illustrations de livre jeunesse paraissent dans la Bibliothèque rose chez Hachette. En 1985, il rencontre Pierre Marchand, éditeur de Gallimard Jeunesse, qui remarque ses dessins dadolescent.


 Il illustre une série de livres documentaires sur le thème des voyages et de la découverte du monde, et fait ses premiers pas dans lécriture. Il contribue à dautres ouvrages documentaires, et commence à illustrer des romans, notamment ceux de Michael Morpurgo.

En 1992, paraît aux éditions Casterman Les derniers géants, puis, entre 1996 et 2000, les trois tomes de lʼAtlas des géographes dʼOrbæ, un atlas imaginaire construit sur le principe de lalphabet. Cet atlas est prolongé en 2010 par Le secret dʼOrbæ. Il a reçu depuis le Grand Prix de la foire de Bologne pour l'Atlas des géographes d'Orbae ainsi qu'un Prix Sorcières spécial pour récompenser son œuvre, prix décerné par les librairies spécialisées jeunesse et l'Association des bibliothécaires de France.

En 2008, François Place contribue au site internet jeunesse du Louvre, au côté des auteurs Benoît et Emmanuelle de Saint Chamas.

En 2010 son premier roman jeunesse La Douane volante (Gallimard Jeunesse) est distingué par la revue Lire. En 2012, Le Secret dʼOrbæ reçoit le prix fiction de la foire internationale du livre de jeunesse de Bologne (Italie).

Les originaux de François Place ont été exposés régulièrement, notamment avec le Centre de promotion du livre de jeunesse de Montreuil et avec la galerie Lart à la page.


 Le pitch  

 Au nord-ouest du Pakistan, caché par d'immenses montagnes, se trouve l'ancien royaume de Chitral. 

De son fabuleux voyage, Erik L'Homme a rapporté trois contes enchanteurs où vous croiserez Begal, l'invincible joueur de polo, un roi bouffi d'orgueil lancé sur les traces du léopard des neiges et Hashim Bigim, la princesse rêveuse... 


Ce que j'en ai pensé

Drôles et tendres,  faisant une belle place aux femmes, estimant avant toute chose que les dirigeants doivent être humbles, j'ai été étonnée de découvrir cette identité là, pleine de préjugés (à ma grande honte) distillés par les médias. 

A des lieux de la photographie au mieux misérabiliste de cette contrée et de ses habitants, Contes d'un royaume perdu nous fait découvrir une culture riche et des habitants possédant une sagesse paysanne rieuse. Le polo y est un sport traditionnel,  le thé et les galettes de pain y sont le repas typique et il y a des léopards des neiges, des corbeaux ou encore des ours.

Nano Begal (la maman de Begal), Kasho shilogh (le roi au corbeau) et Hashim Bigim (la princesse désappointée), trois contes légers et accessibles à tous, sont proposés dans ce petit livre agrémenté de superbes illustrations rappelant les miniatures persanes. En effet, le travail de François Place est à souligner, ses illustrations permettant une immersion dans les paysages qui nous sont contés, et, ayant cherché des photographies de cette région, qui s’avèrent étonnamment fidèles (voir en fin d'article). 

surprise sur le gâteau, le recueil est accompagné d'une dizaine de pages où l'auteur raconte son expérience de voyage, de découverte et d'apprentissage du pays Chitral, de la langue et de ses contes et chants. Le tout accompagné d'illustrations et de photos, ce carnet de voyage additionnel est un vrai plaisir, donnant au lecteur l'envie de découvrir plus encore cette contrée et les chitrali. 

Si le conteur n'est pas un natif, il n'en reste pas moins un amoureux du pays ayant appris la langue et habité et côtoyé longuement ce pays et réussit à transmettre sa passion. 

Un régal pour petits et grands !

En résumé... 

Les plus;
  • accessible et plaisant à tous ages, 
  • de superbes illustrations immergeant le lecteur, 
  • un carnet de voyage passionnant pour les plus grands. 

 Les moins;   
  • trop court (malheureusement) pour les adultes,
  • écrit par un européen ce qui, dans le cadre de mon tour du monde littéraire me pousse à lire un auteur natif pour réellement avoir une ouverture littéraire culturelle.


En conclusion;

La découverte d'une culture et d'un pays magiques au détour de trois contes et d'un carnet de voyage très plaisant forment un petit livre accessible dés 8 ans et un ravissant début de voyage littéraire. Un petit bijou d'ouverture aux autres à lire et relire et conter aux plus petits. 



pour aller plus loin.... géographiquement

Le district de Chitral est un district de la province de Khyber Pakhtunkhwa du Pakistan dont le chef-lieu est la ville de Chitral. Avec ses 14 850 km², c'est le district le plus étendu du Khyber Pakhtunkhwa.

La majorité des habitants sont des Khos, qui parlent le Khowar (ou Chitrali), langue parlée également dans certaines parties des vallées de Yasin, de Gilgit et de Swat. Le district de Chitral est aussi peuplé de Kalash, tribu qui réside dans trois vallées éloignées situées au sud-ouest de la ville de Chitral.
 
Le linguiste norvégien Georg Morgenstierne a écrit que la région de Chitral est le territoire possédant la plus grande diversité linguistique au monde. Bien que le Khowar soit la langue principale de Chitral, plus de dix autres langues sont parlées dans le district.

 

mardi 8 mars 2016

Nom d'un chien d'André Alexis

Ceux qui resteront vivront convenablement, comme des chiens. Nous n'avons pas besoin de mots pour designer les portes ou les arbres. Nous n'avons pas besoin de parler du temps, des collines ou des étoiles. Avant, nous n'en parlions pas, et nos ancêtres se débrouillaient très bien sans cette langue. 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Roman d'aventures canines ou réflexion philosophique sur le bonheur et le libre arbitre, si l'idée était bonne, c'est, à mon sens, un essai raté. Agréable à lire et proposant des idées loin d'être inintéressantes, trop d'aspects caricaturaux ou mal exploités m'ont laissée sur ma faim, au mieux... Lauréat du prix canadien le plus prestigieux, le prix Giller, Nom d'un chien est un roman à coté duquel je suis passée ; décryptage.   


André Alexis

André Alexis est un romancier, dramaturge, nouvelliste canadien.  Actuellement, il réside à Toronto et y travaille en tant qu'animateur dans l'émission de radio Skylarking de la SRC, et est également critique littéraire pour le Globe and Mail et collabore à la rédaction de This Magazine

André Alexis et sa sœur cadette immigrent au Canada en 1961 Pour rejoindre leurs parents qui ont quitté Trinidad à la fin des années 1950. 

André Alexis commence sa carrière artistique au théâtre. Dramaturge en résidence à la Canadian Stage Company, il écrira Lambton, Kent, sa courte pièce présentée pour la première fois en 1995, et publiée en 1999. 

Despair and Other Stories of Ottawa (1994), son premier ouvrage de fiction publié, est retenu en sélection finale pour le prix du Commonwealth (Canada et Caraïbes). Dans ce recueil de nouvelles, A. Alexis propose une analyse philosophique des mystères de l'âme humaine en faisant évoluer au quotidien ses personnages dans des univers sombres et oniriques. 

Avec son premier roman, Childhood, il acquiert une réputation d'écrivain prometteur. En 1998, il obtient le prix Amazon.ca/Books in Canada pour un premier roman et le prix Trillium (qu'il partage avec Alice Munro). Childhood est également retenu en sélection finale pour le prix Giller et reçoit de nombreux autres hommages nationaux et internationaux. Ce roman poignant explore la recherche d'équilibre entre la soif infinie de connaissances et le pouvoir étrangement tenace de l'amour. Écrit sous la forme d'une autobiographie fictive, il raconte l'histoire de Thomas MacMillan, un homme d'âge moyen qui tente de se comprendre et de comprendre ses origines. 

André Alexis publie Ingrid and the Wolf, son premier roman jeunesse, en 2005. 

Non d’un chien (fifteen dogs), publié en France aux éditions Denoël,  est son dernier roman paru en 2015. Il a remporté le prix Giller et est salué par la critique outre-Atlantique.


Le pitch  

Tout commence par un pari alcoolisé entre Hermès et Apollon : si les animaux avaient l’intelligence humaine, seraient-ils aussi malheureux que les hommes? 

Les deux dieux décident alors d’accorder conscience et langage à un groupe de chiens passant la nuit dans une clinique vétérinaire de Toronto. Tout à coup capable d’élaborer des raisonnements plus complexes, la meute se divise : d’un côté les chiens qui refusent de se soumettre à ce nouveau mode de pensée, de l’autre les canidés progressistes qui y adhèrent sans condition. 

Depuis l’Olympe, les dieux les observent, témoins de leurs tâtonnements dans ce nouveau monde qui s’offre à eux. Car, si Hermès veut l’emporter, au moins un des chiens doit être heureux à la fin de sa vie. 

 Un jour, dit Majnoun, nous saurons peut-être où le ciel prend fin.

Ce que j'en ai pensé

A la lecture de la quatrième de couverture je m'étais fait une joie de lire ce roman qui, déjà, excitait ma curiosité. Un pari entre des dieux sur la capacité à être heureux pour des chiens à qui l'on octroyait le langage, la pensée et la conscience de soi, cela avait tout d'un excellent roman à fond philosophique. 

En un sens, le pari est tenu ; tous les éléments sont présents. L'aventure, via les différents caractères des chiens, leurs choix et modes de fonctionnement, mais également la teneur philosophique, chacun des protagoniste étant un archétype social du modèle de la Grèce antique. 

Ainsi avons-nous le tyran éclairé, le philosophe, le poète, l'individualiste et les communautaristes. Sont présents également les sentiments pouvant être les phares de la vie humaine, à savoir; l'amitié, l'amour, la haine ou encore la fidélité. Catalogue des raisons d'être des humains, et ici des chiens, Nom d'un chien ne réussit pourtant pas à être cohérent dans sa construction. 

Chiens possédant ainsi ce qui, aux dires de certains, font la différence entre l'animal et l'humain, ils n'en délaissent pas pour autant leurs besoin de hiérarchie, basée sur la sexualité la plupart du temps, leur passion scatologique ou encore leur haine supposée des chats. Ces éléments n'apportant pas de réelle densité, réalité ou points de ressort pour le récit, le partit pris de l'auteur d'inclure certains éléments comme fondant une nature contre d'autres relevant d'une conscience de soi ou de capacités à raisonner m'ont parus étranges et parfois même pénibles lors de ma lecture. En sus, ces éléments étant servis par un choix lexicologique cru au milieu d'un texte léger et élégant, sans aucune volonté de choquer ou de provoquer, j'ai trouvé cela, au mieux, inutile.

Le choix de dieux grecs m'est apparu de prime abord fin, pointant la référence des fables antiques philosophique, et la volonté de l'auteur de s'y référer, tout en s'extrayant du bourbeux terrain judéo-chrétien. Cependant, bien vite, le récit est rattrapé par le meurtre fratricide originel et bien d'autres matériaux bibliques. 

Au final, une sensation de non-choix, de stagnation entre plusieurs eaux se fait jour, et bien vite arrive la fin du roman qui, si il propose cahincaha une chute de la fable ne clos ni ouvre le débat et laisse sur sa faim, laissant même un gout de bricolage light. Light car ni la satyre, ni la réflexion enrobée de l'amusante forme de la fable ne transpercent ce scénario de téléfilm. 

Ayant reçu un prix prestigieux, je ne peux que m’excuser d'être aussi lamentablement passée à coté de ce roman, qui, certainement, en ravira plus d'un.

 

En résumé... 

Les plus;
  •  une plume fluide et facile à lire,
  • une histoire distrayante,
  • une idée de départ stimulante,
Les moins;   
  • des partis pris curieux,
  •  un manque de chute à l'histoire,
  • un sentiment d'inachevé et un manque d'aboutissement.   
 L'espoir n'a rien à voir avec le bonheur, avait-il dit. Et il n'y avait pas moyen de réfuter cela. La plupart de ceux qui vivaient ou mourraient malheureux étaient aussi pleins d'espoir que ceux que les dieux avaient favorisés. L'espoir n'était qu'une facette des mortels, rien de plus. 

En conclusion;

Un roman à coté duquel je suis passée bien que tout aurait du être là pour que cela match ! Reste la découverte d'une très jolie plume et la curiosité de lire d'autres textes d'André Alexis.