dimanche 29 juin 2014

Imago - De Nathalie Le Gendre

Elle n'avait qu'une hâte : achever la dernière étape de l'Argynnis, le rite du papillon, qui lui permettrait d'entrer dans le monde des adultes, et ne plus avoir à enrouler sa chevelure sur sa tête en une savante coiffure. Cet ultime rite s'appelait l'imago. 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Un roman post apocalyptique dans la droite lignée de la sf anthropologique. Original par la société et le monde qui y sont proposés, emplit de bonnes trouvailles, il lui manque cependant un certain nombre de choses pour pouvoir être réellement séduisant pour les amoureux du genre… 

Nathalie Le Gendre

Auteure de science-fiction pour la jeunesse, Nathalie Le Gendre, née en 1970 en Bretagne, a hésité dès sa plus jeune enfance entre plusieurs métiers : pilote de course, comédienne ou dessinatrice. Elle a réussi à concilier ses passions : elle possède une moto dite "Sportive", elle dessine à la craie et au fusain et n'a toujours pas renoncé à monter sur scène. Noircissant des pages de cahiers depuis toute petite, elle a fini par se rendre à l'évidence : écrire est un métier. 

Ce n’est que lorsqu’elle eut ses enfants, que l’envie de partager le plaisir pur de ses écrits lui est venu. Là, elle commença de petits manuscrits, en partant de sa fascination pour les amérindiens, et créa des contes avec ces tribus peuplées d’animaux bavards. La science-fiction et la fantaisie l'ont toujours passionnée, cela est sans doute dû aux légendes de sa Bretagne natale.

Depuis son premier roman, publié en 2003 dans la collection Autres Mondes aux éditions Mango, Dans les larmes de Gaïa, Nathalie ne cesse de mettre sur papier tout ce que l’injustice de ce monde lui inspire, tout ce que ses propres tripes lui dictent. Son passé la rattrape souvent dans ses récits, ressortant dans les émotions de ses personnages avec lesquels elle entretient une relation toute particulière.

Ses romans, récompensés par de nombreux prix littéraires, lui ressemblent : ils ont la liberté comme moteur. Son premier roman notamment, Dans les larmes de Gaïa, à reçut les  Prix inter-Collège 2004 (catégorie 6e/5e), Prix des incorruptibles 2004-2005, Prix Gayant lecture Douai 2005 (catégorie 5e/4e), Prix Comme dans un livre 2005 et Prix littéraire de la citoyenneté 2004-2005, Prix Cherbourg 2006, Prix Alizés 2006. De nombreux autres de ses romans, tels que Mosa Wosa, Automates, ou Ecoute Battre Mon Cœur ont reçus pléthore de prix jeunesse. 

Paru en 2011 aux éditions Syros, collection Soon, Imago est son neuvième roman.


Son site par ici



Le pitch

Depuis un mystérieux cataclysme, le peuple K'awil vit retiré du monde, au coeur d'une montagne tout en labyrinthes et en jeux de lumière, protégée des regards par une jungle luxuriante. 

Dans cette société composée de sept clans aux prérogatives bien définies, ce sont les femmes qui règnent en maîtres. 

Parce que sa soeur vient de mourir, tuée par un K'tioni, monstrueux tigre aux dents de sabre, la jeune Neï se voit investie d'une lourde mission : c'est à elle qu'il revient de prendre en charge le bébé de sa soeur, une petite fille tout juste née et, surtout, elle est désormais pressentie pour devenir la chef du clan des armuriers. 

Alors qu'elle s'apprête à passer son imago, le rite de passage des K'awils pour devenir adulte, Neï découvre que les T'surs, les hommes blancs, se sont introduits sur le territoire de son peuple, rompant un pacte conclu des décennies plus tôt. 

Une héroïne éprise de liberté face à son destin, qui tentera de trouver sa place dans une société matriarcale, tentant d'allier son rôle de femme, de chef de clan, de fille et ses envies de découverte.

Les sept clans qui composaient le peuple K’awil possédaient chacun une spécialité, mais chaque membre devait être polyvalent, tout particulièrement les hommes qui évoluaient dans cette société matrilinéaire. Dès qu’ils s’unissaient, ils intégraient le clan de leur épouse et devaient donc s’adapter à n’importe quel foyer.


 Ce que j'en ai pensé

Suite à de nombreuses bonnes critiques sur le net je m'étais fait une joie de lire ce roman.  Amoureuse de la sf "anthropologique", proposant des sociétés et/ou des formes de vies originales, je me suis posée avec cet opus en m'attendant à un pur moment d'évasion...

Mon erreur fut certainement de ne pas m'être avisée que ce roman est destiné à un jeune public, quoi que... Ayant lu mes premiers Tolkien à 14ans, je ne pense pas qu'il y ait vraiment une littérature adolescente pouvant s'émanciper de quelques critères qualitatifs.

L'écriture de Nathalie Le Gendre n'est en rien la cause de ma déception; fluide et agréable à lire, elle est à même d'évoquer les scènes et paysages décrits avec une belle spontanéité. Immersive, elle ouvre la porte à un monde proche du notre qui captive aux premières lignes. 

J'ai été séduite par la proposition de départ; une société matriarcale, certainement d'origine africaine, a choisi suite à un grand bouleversement planétaire de vivre en autarcie et en harmonie avec la nature et leurs coutumes. Neï, l'héroïne, s'avère exceptionnelle au cour du récit; elle est en mesure de devenir une chef-chamane, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps, est choisie par le grand oiseau aux plumes blanches pour affiliée à son totem, et hérite également de sa sœur décédée un lien très particulier avec le tatou géant gardien de la montagne sacrée. 

Même si les liens qu'elle développe avec certains membres de son peuple ou de sa famille sont intéressants, je suis restée sur ma faim. Beaucoup d'éléments stimulants sont amenés sans plus de développements (l'oiseau totem, la tatou aux deux petits créée génétiquement, la montagne sacrée qui s'avère être creuse et avoir été habitée, le monde à l'extérieur, les pouvoirs des chamans, l'histoire du monde et du grand bouleversement etc. etc.), surtout que les plus anciens K'awils  semblent en savoir bien plus qu'ils ne le laissent paraitre...

Je ne me suis donc sentie rassasiée ni sur le monde conté, ni sur le destin de Neï, ni sur l'évolution social des  K'awils. J'avais trouvé bien plus enrichissant Les Nuer de Pritchard, ouvrage ethnologique pourtant fort rébarbatif par moments, et bien plus stimulée intellectuellement par leur conception du temps totalement différente de celle en vigueur dans la plupart des sociétés (division des jours en fonction des astres)... Quant a "l'originalité" d'une société matriarcale (et matrilocale d'ailleurs) il suffira de lire du Margaret Mead pour se rendre compte que sortis de nos petits cadres étriqués cela existe ! Bref, de la science-fiction pas vraiment dépaysante pour la curieuse de tout que je suis...

Au final, le destin de Neï n'aboutit pas à grand-chose ou bien trop rapidement, le monde se résume à un trajet village-champs-montagne-intérieur montagne m'ayant fait pensé à la linéarité d'un jeu vidéo sur console... Ce roman comporte tous les éléments pour une histoire originale et passionnante, mais il ne m'a semblé n'être qu'une bonne introduction à quelque chose de plus grand et long qui aurait mérité d'être développé. 

En effet, j'y ai perçu des thèmes chers à Ursula Le Guin; les rapports entre les genres (La main gauche de la nuit), la question des richesses culturelles et intellectuelle des sociétés traditionnelle et technologiques (Planète d'exil), le rapport entretenu entre nature et humanité (Le nom du monde est forêt et Le dit d'Aka)... Pareillement, des œuvres telles que Ose ou Le soleil obscur de Phlip José Farmer, ou La Geste des Princes-Démons de Jack Vance se situent aux croisées de même problématiques. Enfin, le cycle de L'ère des fornicatrices de Janet E. Morris, pour nanar qu'il soit, pose une science-fiction empreinte de questions féministes, dans une société matriarcale très particulière... 

Destiné à un jeune public, je ne l'ai pas trouvé concernant: les questions des rapports hommes-femmes ne sont pas réellement poussés et les questionnements écologiques ne sont pas même effleurés, ne formant qu'un fond de décors...

C'est donc un roman pouvant certainement amené de jeunes lecteurs à aimer la science-fiction, mais, en toute honnêteté, j'ai trouvé bien plus d'originalité dans La planète des Norchats de Dominique Péko (bibliothèque verte de 1982) et, en sus,  je ne pense pas qu'un adolescent ne soit pas en mesure de lire et d'aimer Le cycle de Pern d’Anne McCaffrey ou Le monde du fleuve de Farmer... Mais ce sont là des questions d'envie, de temps disponible, de plaisir de la lecture qui sont à géométrie variable entre les individus. 

Certes, Imago est un roman jeunesse auquel j'accole (peut-être injustement) de nombreuses références anthropologiques et de littérature sf adultes, mais les matériaux cités y sont présents... Bref, une déception pour moi, me laissant un gout de trop peu, Malgré un trés agréable moment de lecture.

 
 Neï trotta sur la corniche qui séparait les maisons troglodytiques du vide, puis descendit jusqu’à la petite cascade qui dévalait vers un arbre tordu dont les racines baignaient dans une piscine naturelle. Là, elle s’aspergea la nuque, se frotta les bras, les mains, les pieds – sa peau très mate luisait sous le soleil déjà puissant -, puis lissa ses cheveux vers l’arrière.
 
 

En résumé

Les plus :
  • Un monde original qui propose de nombreuses questions,
  • une heroïne forte et sympatique,
  • une ecriture fluide et évocatrice, 
  • une bonne mise en jambe à la sf pour les jeunes lecteurs. 

Les moins: 
  • Beaucoup de choses non dévellopées (monde, questionnements, personnages, faune et flore, sociétés),
  • une fin amenée trop abruptement à mon goût,
  • de nombreux aller-retour entre les mêmes points géographique lassants. 

 

En conclusion

Un roman jeunesse leger et dépaysant pour de jeunes lecteurs, mais n'allant pas au bout des questions qu'il aborde de par ses nombreuses thématiques. Je le déconseil à de gros lecteurs de science-fiction , la deception risquerait d'être au rendez-vous, malgrés un réel plaisir de lecture grace à la plume de Nathalie Le Gendre... 

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