Je ne conçois pas que les choses soient comme ci plutôt que comme ça. Ce monde n'a pas le sens commun. Je voudrais être assis dans un fauteuil profond à lire des articles profonds dans le quotidien de référence roumain. Je serais plus serein. Tout conspire contre la sérénité.
Si vous ne lisez que ces lignes;
Plongée en apnée dans l’hermétique, voir l'herméneutique, d'un auteur déroutant. Le jeu de la bague est un reflet aux mille visages de ce que l'humanité comporte, peut-être, de plus vil et de plus lâche... Baisons donc, tous, la bague qui relie les êtres dans leurs pierres d'achoppements temporelles au passage de quelques vies.
Pierre Lafargue
Pierre Lafargue est né en 1967 à Bordeaux. Auteur énigmatique protégeant son jardin secret, malgré une dizaine de parutions saluées par la critique, peu savent qui est cet auteur.
Découvrez ici un entretien menée par Thierry Romagné.
Il faudrait de lui tout citer, ne rien faire d’autre que de lui tout
citer, car tout commentaire n’est que tisane, fadasserie et délayage au
regard de son texte qui est pur concentré, pure foudre. Lydie Salvayre
(prix Goncourt 2014).
Au royaume des lettres, on dirait volontiers que Pierre Lafargue est
le secret le mieux gardé de ces dernières années. Nils C. Ahl (Le
Monde des livres, mai 2014.
Ici, un extrait de Aventures, lu par l'auteur lui-même pour France culture.
Le pitch
Le héros de ce livre ? Un homme fait de tous les
hommes et qui les vaut tous (mais que pas un ne vaut). Ce qu’il fait est
littéralement extraordinaire, ce qu’il dit est inouï. Il va vite ; il
était ici ; il n’est déjà plus là. Sa bague le tire en avant : avec elle
à son doigt, il n’épouse rien ni personne.
Voici un chat et un crapaud rouges, voici Sarah
Palin amoureuse, voici un pape beau garçon et quelques fruits, un
cycliste ayant une conception exigeante de l’équilibre et la nuit sans
fin, menaçante — sans compter les menées du diable. Plongez dans ce
feu ! N’en privez pas votre famille ! Jetez-y vos amis !
Mon visage est affreux. Mon visage. Ma scrofule. Mon visage est brouillé. Il est fait de milles visages. Je le cache dans l'angle fermé de cette vie. Sur les deux cotés de la route, des panneaux veulent l'ouvrir à eux. Ils sont refusés.
Ce que j'en ai pensé
Les écrits sont comme les gens, et la lecture
comme les rencontres ; pour des raisons obscures et alchimiques elles
fonctionnent ou avortent.
Avortement, ce sera donc pour moi ici. Mort-né du
sens dans un déluge de tripes langagières... Pourtant, la quatrième de
couverture me séduisit, couvrant bien le délire d'un glaçage marron
élégant.
Premier indice qu'il eut fallu que je prenne en
considération ; les écrits surréalistes, citons Boris Vian, me rebutent.
Admirant les métaphores et aimant la poésie, je ne suis pas encline par
ailleurs aux déluges de ceux-ci, y préférant le silence vibrant des mots encore
présents des haïkus et kōans.
Deuxième indice ; au jeu de la destruction
du lien entre signifiant et signifié et à la joyeuse débandade des
herméneutiques, Phillip K. Dick et Roger Zelasny sont passés par là bien avant,
me régalant de leur anarchique, cacophonique et superbe Deus Irae. La
soupe me parut donc tiède...
Certes, la langue y est belle, certes, les
métaphores y sont parfois puissantes et bien tournées. Le manque d'un narrateur
principal identifiable, d'une structure du texte par un chapitrage, ou encore
d'une logique de progression établie, me semblent pardonnables. L'agacement, le
titillement de la mouche du coche aurait pu être plaisant, confinant au
masochisme de qui veut réfléchir et s'ouvrir à de nouveaux horizons. Mais là le
bât blesse ; boite hermétique livrée sans ouvre-boîte, Le jeu de la bague
est un objet défiant les lois de la physique quantique en se passant de fond et
de forme... Saluons ici un exploit qui stupéfierait Stephen William Hawking
lui-même.
En d'autres termes, que toutes les fonctions du
langage (selon la théorie du langage de Jakobson) soient gommées au profit de
la fonction poétique crée un objet paradoxale, car l'écrit, la réception par un
lecteur, et sa diffusion via un média, devraient être une tentative de mise en
communication d'un mode de pensée avec un autre. Instantané d'une vision
éphémère dont l'auteur ne donne pas les clés de décryptage, Le jeu de la
bague restera à mes yeux un non-dit bavard, bien que la démarche eue pu
être intéressante.
Au jeu du vomissement du monde, il faut, il me
semble, une pointe d'amour de l'humanité pour illuminer le tout, comme ces
couchers de soleils mourants transformant un ciel obscurcit en un point d'or.
Ainsi, Camus, Del Castillo, Suskind, Steinbeck (et tant d'autres) y
excellent-ils, distillant le doute humaniste là où un Céline s'en sert comme
enrubannement de l'abjection humaine afin de mieux berner le chaland. C'est une
élégance, un phare dans la nuit, un objet justifiant la plongée dans
l’innommable. Car à quoi bon se rouler dans la souillure, même avec des
tournures de soie et de dentelle, si ce n'est que pour faire le constat que la
boue nous cerne de toutes parts ?
En résumé...
Les plus;
- Un joli travaille d'édition,
- des métaphores vibrantes
Les moins;
- Une forme forte car assumée au service de rien
En conclusion;
Non-rencontre entre cet ouvrage et moi. Peut-être ne suis-je pas pourvue de la culture ou des attentes qu'il faudrait posséder pour y être sensible... J'attends avec impatience les retours d'autres lecteurs sur cet ouvrage !
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