Elle attrapa la sacoche de cuir qui lui faisait office de sac à main, descendit de son véhicule hors d'usage et défroissa sa robe. Il lui vint spontanément un défi: Le premier que je vois ce sera lui...mais on va dire que le patron du café et les plus de soixante ans ne comptent pas.
Si vous ne lisez que ces lignes;
Incisif, violent, gore par moments, ce roman bien ficelé vous entraine dans le quotidien des monstres humains. Monstres aux logiques folles et absurdes, tout se tient dans la tête dérangée de chacun et rien n'y est gore gratuitement.... L'intrigue est bien écrite et pensée, et si la folie dans ce qu'elle a de plus moche et triviale ne vous rebute pas trop, cette folle histoire pourrait bien vous plaire !
Gil Graff
Gil Graff est née en 1962 dans un village aux alentours du Mans. Elle
vit dorénavant à Saint-Cyprien (66). Derrière ce pseudonyme androgyne se
cache une romancière, valeur montante du polar catalan.
Si elle n'a pas vécu mai 68, elle en a en revanche retenu l'ambiance, entre le désordre généralisé et quelques revendications utopistes. Elle a été baba cool puis punk, avant de se ranger et de se mettre à écrire. Lucide, elle écrit des livres souvent irrévérencieux, entre polar et science-fiction, s'attachant à développer la psychologie de personnages ordinaires.
Sa connaissance des milieux spécifiques vient de son parcours professionnel : depuis 16 ans animatrice et coordinatrice jeunesse dans une petite ville, Gil Graff travaille en relation avec la mission locale jeune et accompagne dans leurs démarches les jeunes les plus en difficultés d'insertion qui sont sous contrats CIVIS.
Issue d'une famille socialement mixte : son père vient d'une famille bourgeoise ancrée dans la Sarthe alors que sa mère des gens du voyage, cela lui permet d'être à l'aise et sans préjugés avec différentes catégories sociales.
Céret noir, éd. Mare Nostrum, 2011 (policier).
Catalan psycho, éd. Mare Nostrum, 2008 (nouvelles policières).
Vous aurez de mes nouvelles dans les journaux..., éd. Cap Béar, 2007 (nouvelles policières).
Chronodrome, éd. Cap Béar, 2005 (SF).
Concerto pour l'abattoir, éd. Cylibris, 2004 (SF).
L'air du temps, éd. Cylibris, 2004 (roman).
La stratégie du cochon, éd. Cylibris, 2002 (policier).
Le pitch
Eliane,
de son nouveau nom choisit pour l'occasion, tombe en panne plus ou moins
volontairement dans un village semblant au bout du monde; "El Forat dels
innocents". Eliane à un plan; le coffre de sa voiture trop lourd en atteste.
Mais
la jolie jeune-femme ne s'attend pas à ce que le destin se soit bien marré en
guidant ses pas juste là...
Il
est des villages comme "El Forat dels innocents", un peu hors du
temps et de tout tracé touristique, où tout est paisible et à sa place et où on
ne pourrait imaginer tomber entre les mains de tels monstres. Et pourtant...
A
deux pas de Thuir, petite ville dont le nom désigne aussi son asile
psychiatrique pour tous les catalans, El Forat dels innocents s'avérera
beaucoup moins paisible qu'il n'y parait ! Et si les serial
killers d'aujourd'hui étaient les croquemitaines d'autrefois ?
Drôle de manie, en fait Giséle capturait des rongeurs, du campagnol à la souris et bien sûr les rats. Elle les enfermait dans des cages et les nourissait jusqu'à ce qu'ils meurent.
Ensuite elle les compacteit pêle-mêle dans des bocaux remplis d'alcool qu'elle alignait fiérement sur les étagéres de son cellier. Alors, on disait qu'elle faisait de la confiture de rats. Giséle était évidemment un peu dérangée du ciboulot mais en dehors de ce loisir, elle était de bonne compagnie.
Ce que j'en ai pensé
C'est sûr, c'est fort de café; on vous aura
prévenus ! Rien ne nous est épargné du répertoire des horreurs du genre humain
! Mais loin de faire catalogue du monstrueux (a contrario de Dans les veines
de Morgane Caussarieu), ce roman propose une intrigue
riche qui accroche le lecteur et des portraits psychologiques de chaque
protagoniste qui, si dérangeant que ce soit de se plonger dans leurs têtes,
font la richesse du roman. Les amoureux de Thomas Harris (le papa d'Hannibal Lecter) se régaleront surement de ce roman noir !
Immédiatement, El Forat dels innocents m'a fait
penser à un certain autre village du nom de Portmeirion... Bienvenue au village
Eliane, donc ! Enfin, non, elle n'est pas vraiment la bienvenue: la tenancière
du bar-épicerie du village voit son arrivée d'un mauvais œil et on comprend
vite que la compagnie de Seb ne sera pas forcément aussi rentable que ce
qu'elle croit, la fraiche et torturée Eliane... Une histoire d'arroseuse
arrosée ? Pas si simple: Gil Graff nous mène par le bout de nos logiques
moralisatrices et se joue de nous et de ses personnages tout au long des
pages...
La sexualité, déviante, animale, est très
présente dans cet écrit et je comprends que cela puisse rebuter certains lecteurs.
Ayant grandi ado dans une maison de retraite pour patients venant du
psychiatrique, cette mise en exergue de la sexualité ne m'a pas choquée; elle
est un des points caractérisant nombre de pathologies... Face cachée de la
maladie mentale, elle met mal à l'aise, dérange, brise les frontières de
certaines réalités. Mais c'est cela que j'ai aimé dans ce roman; un joli coup
de pied au cul pour sortir d'une vision du monde bourgeoise et douillette. A cela,
ajoutez une humanité, une réelle psychologie au service des personnages sans
tomber dans l'empathie niaise et dangereuse ou un misérabilisme si chère au
bobo gauchiste et vous optenez cette excellente mouture !
Dérangeant vous avez dit ? Très certainement,
mais l'artiste n'est pas là pour le confort, mais pour conter, telle l'Ankou
autour du feu, des histoires merveilleuses et monstrueuses. Le petit-chaperon
rouge n'est pas si éloigné des péripéties dEliane....
Un brin de numéro 6, quelques paillettes de
Jean-Baptiste Grenouille, un jus de diazépam et voilà un très
bon roman noir au pays du soleil qui tape dur sur les crânes.
En résumé...
Les plus;
- Une très bonne intrigue,
- des personnages bien écrits et pensés,
- une écriture fluide et agréable.
Les moins;
personnelement je n'en ai pas, mais pour être ouverte à d'autres lecteurs;
- du gore, du sexuel déviant,
- des monstres psychiatriques (et leurs logiques très tordues),
- peut-être une difficulté pour les non catalans sur les lieux cités (mais je n'en suis même pas sure).
Je n'ai toujours pas retenté l'expérience Gil Graf depuis la lecture de ce roman. Mais c'est que je ne suis pas amatrice de gore. Je mets les références de ma chronique de l'époque pas aussi travaillée que la tienne.
RépondreSupprimerhttp://ramettes.canalblog.com/archives/2011/06/10/21364819.html
oui tu as raison ! deux avis valent mieux qu'un ! je crois que j'en lirais d'autres d'elle malgrés des rêves agités lors de ma lecture !
RépondreSupprimerGil Graff qui passait par là, te remercie pour cette fine analyse :-)
RépondreSupprimerMerci beaucoup à toi d'avoir lu et laissé un petit mot, et aussi d'avoir cette plume !
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