mercredi 11 juin 2014

La Demi-Pensionnaire de Didier Van Cauwelaert

Qui a le droit de répondre à une question pareille ? Tu es sain d'esprit, toi qui te déguise en colonel pour aller bouffer des surgelés chez des inconnus ?

Je proteste, dans une réaction de défense: ce n'était pas du surgelé, c'était du sous-vide.



Si vous ne lisez que ces lignes;

Cauwelaert nous signe encore une fois une fable moderne en forme d'ode à la poésie, l'amour et la liberté. Comme un parc au milieu des immeubles gris et moches de nos vies (lles), on en ressort plus leger mais aussi plus vivant. 

Didier Van Cauwelaert

 Didier van Cauwelaert est né à Nice le 29 juillet 1960. Il commence très tôt à écrire des romans mais sans pouvoir les faire éditer. Après quelques années consacrées au théâtre (il joue Sartre, met en scène Beckett, Anouilh, lonesco) et une brève carrière de critique littéraire pour enfants à FR3 Côte-d'Azur, il finit par trouver un éditeur qui s'intéresse à lui, en 1981. S'ensuit la publication de romans avec lesquels il touche un public de plus en plus large : Vingt Ans et des poussières (prix Prix Del Duca 1982), Poisson d'amour (prix Roger Nimier 1984), Les Vacances du fantôme (prix Gutenberg 1987), Un objet en souffrance (1991) qui marque son arrivée chez Albin Michel. En 1994, Un aller simple est couronné par le prix Goncourt. Depuis lors, avec des romans tels que La Vie interdite, La Demi-pensionnaire et L'Éducation d'une fée, son succès ne se dément pas. 

Au théâtre, il a reçu le Molière 1997 du meilleur spectacle musical pour son adaptation du Passe-muraille, avec Michel Legrand. Ses pièces lui ont valu le grand prix du théâtre de l'Académie française. Au cinéma, après Un aller simple (réalisé par Laurent Heynemann, avec Jacques Villeret, Lorànt Deutsch, Barbara Shulz) et L’Éducation d’une fée (réalisé par José Luis Cuerda, avec Ricardo Darin et Irène Jacob), ses romans Hors de moi et L’Évangile de Jimmy sont en cours d’adaptation aux États-Unis. Auteur prolixe, il publie en 2013 La femme de nos vies aux éditions Albin Michel. En octobre 2013 paraissent un essai, Dictionnaire de l'impossible (Plon) et un guide, Au pays des abeilles (Michel Lafon). 

Le pitch

Thomas, ex playboy des pistes et dresseur de chiens de sauvetage au Grand-Bornand , travail à Paris à la Sacem, dans un poste qui l'ennui. Thomas ne s'aime pas. Thomas se vit comme un néant animé. Au fond, Thomas ne sait pas qui il est.

Tout change le jour où une fantasque vielle dame va entrer dans sa vie et lui proposer une drôle de comédie. A partir de cette entrée originale dans la vie de deux femmes, et de ce rôle qu'il endossera comme un supplément à son âme Thomas trouvera le terreau d'une nouvelle vie.

Mais que faire lorsqu'on tombe amoureux d'une jeune femme au cours d'un déjeuner, et qu'on découvre au dessert qu'elle se déplace en fauteuil roulant ? Hélène est Lion ascendant Lion, championne de voltige aérienne. C'est la fille la plus sexy, la plus joyeuse et la moins facile que Thomas ait jamais rencontrée... 

Arraché à sa routine, malmené, envoûté par cette "demi-pensionnaire" qui l'initie à la vraie liberté, il comprendra au bout du compte que c'est lui qui vivait comme un infirme. Et qu'une femme assise, parfois, peut aider un homme à se relever.

Comme il ne m'arrivait pas grand-chose, je conservais l'espoir et je tuais le temps: les journées ne passaient pas plus vite mais elles laissaient moins de traces.

 

Ce que j'en ai pensé


Si l'humanité était rangée dans des cases en fonction des variétés de folies douces, je pense que je serais dans une coordonnée se situant proche de celle de Didier Van Cauwelaert. Forme de résistance poétique à la réalité, ce roman, tout comme L'éducation d'une fée (par exemple), est une ode à l'amour, la liberté et aux grains de folies. 

La recette est connue, mais elle fonctionne à merveille; une femme forte et fragile rencontre un homme en devenir et l'aide à grandir. Profondément ancrés dans la griserie de notre société, englués dans le "métro-boulot-dodo", les personnages se dé-mazouteront, évidemment. Tout la question est de savoir grâce à quels procédés et outils... 

Edmée, Thomas et Hélène sont des Don Quichotte préférant imposer à la réalité plutôt que de se faire imposer des chemins de vie par la société, les bonnes mœurs et le "qu'en dira-t-on". Contrairement au déni de réalité que Michel Onfray à put voir dans la célèbre œuvre de Cervantès, c'est ici en raison d'une trop claire et objective vision de la réalité que les personnages choisissent de créer d'autres cheminements pour leurs vies, une résistance non-violente, initiant du changement, forçant les dés qui leurs sont distribués. Ouvreur d'espaces de libertés, montreur de possibles, Didier Van Cauwelaert semble vouloir chuchoter à chacun une vibrante et joyeuse injonction à vivre sa vie au travers de ses romans. 
 
Ainsi, Edmée se créée une fille et un fantôme, Thomas choisit d'endosser le rôle du fantôme et Hélène choisit la folie à la mort. La vie, toujours la vie plutôt que la mort, qu'elle soit cérébrale, physique, amoureuse ou sociale... 
 
L'écriture de Cauwelaert, précise, drôle et  très imagée m'a procuré un grand plaisir de lecture et la sensation d'en avoir lu beaucoup quand seule une phrase était passée parfois... Ouvrant des brèches dans notre imagination, son histoire se construit en complicité avec l'imagerie interne du lecteur dans un jeu jouissif et facile. Il y a de l'enfant grave ou de l'adulte joyeux dans ces romans, et une simplicité pour le lecteur de retrouvé cet être là au fond de soi au travers de sa lecture.

Au travers d'histoires et de personnages cachant une profondeur voir même une gravité sous leur loufoqueries, Cauwelaert écrit une histoire profondément adulte et concernante, tout en distillant une magie des "instants". Cette écriture, propre à cet auteur, est à la fois distrayante et philosophique, voir même sociologique par moments. 

Petite fable traitant des familles, celles que l'on se choisit et celles que l'on peut parfois subir, ce roman pose les équations d'un problème où désir de ne pas blesser et besoin de se réaliser se confrontent. Mais aucune solution n'est posée comme idéale et chacun devra choisir les responsabilités qu'il choisit d'endosser... Peut-être est-ce là la morale de cette histoire ? 

 
 Edmée Germain-Lamart est engloutie de travers dans le canapé défoncé, un châle sur les épaules, jambes croisées, en train de lire. A ses pieds, un magnétophone est posé devant la cheminée murée, diffusant le crépitement d'un feu de bois.  


En résumé 

Les plus;
  •  Une histoire proche d'une fable, jolie et légère,
  •  des personnages attachants et loufoques,
  • une réflexion de fond intéressante, tant sur les plans personnels que sociologiques,
  • la poésie et l'humour de Cauwelaert.
Les moins;
  • Une "recette" attendue chez cet auteur,
  • un livre qui pose des questions sans donner de réponse (mais ça n'est pas vraiment négatif à mon sens).

On s'aimera tant qu'on s'aimera; avec cette délicieuse sensation du provisoire qui s'installe dans la durée sans qu'on en ait conscience.
 
 

En conclusion 



Une histoire jolie et charmante qui dévoile peu à peu des thématiques plus profondes. Des personnages drôles et un brin fous, défiant la norme et les chemins de vie tout tracés. Une lecture très agréable même si certaines ficèles de Cauwelaert deviennent identifiables après la lecture de plusieurs de ses romans. 


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