mercredi 29 octobre 2014

Punk's not dead d'Anthelme Hauchecorne

Ambre détaille la foule. Sous les costumes et les maquillages, la liesse et les sourires, elle flaire l'appréhension. A l'ombre des toitures de craie, les Sylvères sanguinaires de la Garde d’Écorce veillent au maintient d'un règne de terreur.
(in "Le roi d'automne") 

Si vous ne lisez que ces lignes;


Si, quand vous étiez petit, vous aimiez bien les monstres*, et que vous rongent des mondes possibles et des envies d'ailleurs: bienvenue dans la prodigieuse parade d'Anthelme Hauchecorne. Tour-à-tour drôle, merveilleux, funeste ou cocasse, ce cercueil de nouvelles vous enchantera par la qualité de l'écriture mais aussi par le cri d'amour à la liberté qu'il pousse.


Anthelme Hauchecorne

 

Anthelme Hauchecorne naît en 1980 dans une famille de la classe moyenne. Ses études mêlent droit, économie et sociologie, trahissant une passion précoce pour les mélanges douteux. En 2007, l’auteur obtient le concours d’enseignant en économie-gestion. Jeune titulaire, son affectation le contraint à quitter sa Lorraine natale pour rallier le Nord-Pas-de-Calais. 

 

Où qu’il aille, l’encre des mots le suit comme une ombre.  Ses romans touchent au fantastique et aux questions de société. L’auteur affectionne les univers régionalistes et documentés, multipliant les clins d’œil aux lieux et aux légendes locales. Son premier roman, La Tour des Illusions, prend place en Moselle. Le suivant, Âmes de verre, puise ses racines dans sa région d’adoption, le Nord-Pas-de-Calais. L’intrigue prend pied dans la métropole lilloise, entrecroisant déclin industriel, critique de l’inhumanité urbaine et résurgence de la cosmogonie celte.

Ses droits d’auteur sont reversés :
Pour La Tour des Illusions, au Secours Populaire
Pour Baroque ’n’ Roll, au Parti Pirate, afin de défendre l’Internet libre
Pour Âmes de Verre, aux recherches du Professeur DOLLFUS destinées à lutter contre le syndrome Bardet-Biedl.
Pour Punk's not dead, à l'ONG Sea Shepherd

Son site pour voir et lire des tonnes de documents est par là


Loïc Canavaggia


“Je suis un illustrateur originaire du sud le la France. Je suis né à Arles, dans les Bouches du Rhône le 02 janvier 1978 et j’habite actuellement dans la Marne depuis l’été 2008. J’ai decouvert le dessin, comme je pense beaucoup de personnes de ma génération, avec l’arrivée massive des animés japonais et autres mangas.


Du haut de mes 8 ans, je me suis pris de passion dans la représentation de mes héros favoris. J’en ai passé des heures assis sur mon lit à gratter mes feuilles de papier canson avec comme appuie les 4ème de couverture de mes albums de Tintin (que Hergé me pardonne). Mon envie de dessin ne m’a alors plus jamais lâché. Plus tard il a fallu trouver un métier… trouver sa voie. Je n’ai pas eu l’occasion de faire des études d’art. J’ai dû m’orienter vers “un vrai métier” comme ils disaient… au grand damne de ma professeur de dessin. Mais d’une manière ou d’une autre, j’ai toujours réussi à assouvir ma soif du graphite. Je n’ai jamais arrêté de dessiner pour mon plaisir."

Une vingtaine d'illustrations originales (et toutes superbes) illustrent à merveille Punk's not dead.

Une très bonne interview pour découvrir ce dessinateur talentueux ; ici 
Sa page Facebook où vous pourrez contempler ses travaux ; par ici !

La folie des cuirassés dépiautés, des mines flottantes coulées, des torpilles et des ogives tactiques endormies, bercées de houle et de rêves d'Holocauste.
Tant de guerres ont achevé de reléguer les fiers sauriens de jadis en éboueurs des mers. 
(in "De profundis")


Le pitch   


À quoi l’Apocalypse ressemblerait-elle, contée par un punk zombi ?
Qu’adviendrait-il si le QI des français se trouvait d’un coup démultiplié ? Un grand sursaut ? 

Une nouvelle Révolution, 1789 version 2.0 ?
Est-il sage pour un mortel de tomber amoureux d’un succube ?
Les gentlemen du futur pourront-ils régler leurs querelles au disrupteur à vapeur, sans manquer aux règles de l’étiquette ?
 
Comment se protéger des cadences infernales, de la fatigue et du stress au travail, lorsque l’on a le malheur de s’appeler « La Mort », et d’exercer un métier pour laquelle il n’est pas de congés ?
 
Autant de sujets graves, traités entre ces pages avec sérieux. Ne laissez pas vos neurones s’étioler, offrez une cure de Jouvence à vos zygomatiques. Cessez de résister, accordez-vous une douce violence. De toute évidence, PUNK’S NOT DEAD a été écrit pour vous.




 Ce que j'en ai pensé


Comme chaque opus d'Anthelme Hauchecorne, Punk's not dead est tout à la fois un divertissement servit par une plume aux belles tournures sans toutefois jamais être lourdes, et un bel objet dans ses illustrations ainsi que dans les choix de format et de pagination. 

Servies par les  superbes planches de Loïc Canavaggia, voici donc 13 nouvelles toutes différentes dans le ton et la forme mais partageant un même fond... Humour, tragédie, monstruosité, beauté, lâcheté ou courage: tout y est, et chacune se révèle potache ou sombre tout en dénonçant les défauts et limites de nos systèmes de pensée. Punk's not dead donc; le voilà ressuscité dans la littérature française. 

A la manière des recueils de nouvelles L'homme doré de K. Dick ou Les Rois des sables de George R.R. Martin, Anthelme Hauchecorne explore des contrées imaginaires, miroirs déformants et grossissants de nos sociétés, prenant pour point de départ la culture et les musiques punk.  Mais qu'est-ce que le punk ?

On oublie souvent que le punk à la base n’était pas  une simple colère aveugle vis à vis des ainés et du futur social proposé. Non. Il était avant tout un cri de guerre pour la liberté, notamment celle d’essayer toutes les alternatives afin que chaque individu vive sa vie libre. Et c'est précisément le fond de Punk's not dead, avec, pour exemple, La ballade d'Abrahel faisant écho à La fin de Satan de Victor Hugo.

C'est donc en ce sens que ce cercueil de nouvelles, comme l'aime à l'appeler son auteur, est totalement punk. Tellement qu’il aurait pu s’appeler « liberté les dégénérés », et entendez dégénérés au sens étymologique du terme…  Parce que toutes ces nouvelles portent en elles des questionnements, des rêveries ou cauchemars posant, au fond, la même question : liberté ?  Comment, pourquoi, à quels risques, face à l’éternelle misère humaine qui, au final, trouve merveilleux de se sentir piégée *... La mutation génétique ou cognitive sera-t-elle une issues, tel que dans La guerre des Gaules, ou une impasse comme dans No future


Vacherie, Mégère Nature m'avait baisé jusqu'à l'os.
J'ai alors éprouvé un coup de blues.
Je suis resté chez moi à composer l'album punk rock que je n'avais jamais fini de mon vivant.
Avec pour thème, la merditude  de ce monde condamné.
( in "No future")


Mais n'est-ce pas le propre du punk d'être polymorphe, tant en musique avec le grunge ou le grindcore, ou dans les mouvements de révoltes sociales qui, au final, posent la même question que ce cher V pour vendetta ; entre quelles mains remettons-nous nos vies et notre (relative) liberté abreuvée par les millions de mensonges que l'on nous fait croire chaque jour *....

No futur donc. Pour les vieux modèles sociaux et les courses futiles et mortifères qu’induisent le capitalisme, la peur des autres, les classes sociales, le matérialisme et tout ce qui est, au final, délétère… No futur et résurrection du punk, dans toute sa noblesse, dans la fantasy et la sf d’Anthelme Hauchecorne.  

Mais cyberpunk aussi également. Entendons-nous ; le pont ici est assumé et assuré entre cette folle sf des K.Dick ou William Gibson et les nouvelles contenues dans Punk's not dead non pas tant pour des thématiques robotiques et/ou scientifiques (ici elles se rapportent plus au mouvement esthétique steampunk notamment dans Sarabande mécanique et Le gentleman à manivelle) mais bien dans les thématiques de la confrontation à un monde apocalyptique (No future) où les multinationales sont toutes puissantes et ne laissent aucunes alternatives au genre humain (Décembre aux cendres et Le buto atomique en sont de bons exemples). 


Certains scandales pharmaceutiques sont encore frais dans les mémoires françaises.
Mon remède vous parait farfelu. Soit.
Nos avis divergent pour une simple raison. Nous abordons cette affaire sous deux angles trop différents pour permettre à nos conclusions de coïncider.
(in "Le buto atomique") 

Ainsi, l'air de rien, l'auteur nous livre-t-il des critiques sociales assaisonnées de dragons et autres gnomes, de lords anglais à la rectitude toute mécanique ou de plongées dans le sidh...

Mais le punk, de même qu'Anthelme Hauchecorne, n'est pas dénué d'humour.... Ainsi, il serait fort aisé d'écouter les délires fumeux d'un certain Messire Quentin* de LW88 ou encore un bon morceau de punk celtique* en lisant C.F.D.T, une nouvelle emplie de scènes drôles, de personnages caricaturaux (parfois inattendus), ou encore en se délectant de Sale petite peste, nouvelle écrite en référence au maitre des jeux de mots qu'est Terry Pratchett. 

Fourbu, la Mort se retire dans son étude. Pour y découvrir que hélas, en son absence, Maître M. a dû faire preuve de trésors d'ingéniosité pour trouver une place à pléthore d'esprits SDF. Aussi son bureau est-il congestionné de linceuls reconvertis en hamacs, d'où montent des ronflements.
(in "Sale petite peste")

En marge également des modèles établis  est la démarche de l'auteur de proposer un aperçut sur les coulisses de chaque nouvelle, quelques pages brisant la distance élégiaque et incognoscible entre auteur et lectorat. Références littéraires ou culturelles, idées de départ, contexte, parcours de chaque nouvelle ou encore musiques écoutées lors de leurs compositions, sont autant de renseignements éclairants, permettant parfois une redécouverte de la nouvelle lue à la lumière des volontés de l'auteur. 

Un opus se terminant (cerise sur le gâteau) par une nouvelle concernant un personnage mystérieux d’Âmes de verres, à savoir Ambre Karmina pour les aficionados, dans Le Roi d'automne, éclairant le lecteur connaisseur sur certaines pratiques propres à ce clan tout en épaississant le mystère de cet univers envoutant, et (souhaitons-le) donnant le gout pour ceux découvrant cet univers d'y plonger totalement. 

Découvrez donc sans tarder les fosses marines emplies de dragons de De profundis, Sturluson le vieux héros viking dépassé par les mœurs de la jeunesse, Éva la courageuse enfant d'un Budapest en ruine ou encore Abrahel la succube aux souvenirs immémoriaux, et tant d'autres encore... Chacun vous attend pour vous conter son histoire, vous souffler ses luttes et espoirs, dans des chuchotements aux accords punks...

Les anges rebelles tentent d’accommoder les lieux. De changer cette calamité en opportunité. De travailler ensemble à leur propre Création. Une nouvelle Hénoch, plus haute et plus pure. Les premiers essais se soldent par des catastrophes. Pour la première fois, les vaincus expérimentent le mal des profondeurs. Dans cet abîme privé de clarté, leurs pouvoirs dysfonctionnent. Au mieux, les résultats s’avèrent calamiteux. Ils détruisent plus qu'ils n'érigent, ils blessent plus qu'ils ne soignent.
(in "La ballade d'Abrahel")

 

En résumé... 

Les plus;
  • Une écriture soignée et envoutante,
  • Des univers variés aux tons allant du léger au dramatique,
  • Un fond profond poussant souvent à la réflexion, 
  • Une bonne façon de découvrir la plume de cet auteur aux multiples facettes littéraires.
 Les moins;  
  •  Je n'en ai vu aucuns, hormis peut-être une qualité parfois inégale entre certaines nouvelles mais, en plus d'un même plaisir à leur lecture, j'ai trouvé intéressant de voir au travers de ce recueil l'évolution de la plume d'Anthelme Hauchecorne. 



De ces saints, David, tu es le fleuron. Reviendras-tu ici sans moi quand les coutures qui nous lient auront sauté ? A errer sous les frondaisons, à implorer la nuit de t'envoyer un autre amant ?
Sur un lit de feuilles mortes aux motifs de dentelle, nous nous allongeons.
 (in "La grâce du funambule")

En conclusion;

Une récréation aux gouts de punk, de fantasy, de sf et de steampunk, le tout saupoudré de réflexions passionnantes dans un objet à l'esthétisme aussi appréciable qu'une BD. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur, découvrez-le donc au travers de ce prisme aux multiples facettes !

cités dans cet article







Alors, dans l'absolu que l'Être a pour milieu,
On entendit sortir des profondeurs du verbe
Ce mot qui, sur le front du jeune ange superbe
Encor vague et flottant dans la vaste clarté,
Fit tout à coup éclore un astre: _ Liberté.

(hors la terre II- La plume de Satan)
La fin de Satan, Victor Hugo


https://www.youtube.com/watch?v=Hbsy6XsWZl4
https://www.youtube.com/watch?v=Hbsy6XsWZl4



4 commentaires:

  1. Et hop, dans ma PAL, merci pour cette chronique !

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  2. de rien ^^ et merci c'est le plus grand plaisir de savoir avoir donné envie de lire un livre !

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  3. salut
    ta chronique de ce livre m'a vraiment donné envie d'en savoir plus et de découvrir ce livre et ces nouvelles.
    Je trouve ta chronique vraiment détaillée et on sent que tu as pris du plaisir en lisant ce livre !!
    Je le note donc et dès que j'en aurais l'occasion je l'achèterais.

    Merci pour la découverte et bonne après-midi.
    Manue

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  4. Merci pour ta confiance et bonne lecture !

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