samedi 11 octobre 2014

Les derniers jours du paradis de Robert Charles Wilson

Elle ne savait rien ni sur elle ni sur son environnement, tout comme une carotte ne comprend ni le concept d'agriculture biologique ni la couleur orange. Elle ne faisait que vivre et croître, exploitant sans réfléchir les ressources à sa disposition: vide, roche, lumière du soleil, autres êtres vivants. Ses pouvoirs approchaient à certains égards ceux d'un dieu, mais d'un dieu insecte : sans esprit et potentiellement mortel. 

Si vous ne lisez que ces lignes;

Une écriture efficace au service d'idées attrayantes mais qui laisse un gout de trop peu en fin de lecture... Road trip paranoïaque, uchronie présentant cents ans de paix sur terre mais sous la férule d'insectes extraterrestres, Les derniers jours du paradis possède tous les éléments pour plaire mais n'y parvient pas tout à fait... 

Robert Charles Wilson 

Né à Whittier en Californie le 15 décembre 1953, Robert Charles Wilson est le cadet de trois enfants. Jusqu'en 1962, ce fils d'un salarié d'une société d’édition de cartes de vœux vit en Californie. À l'école, il se révèle un élève médiocre. Il émigre à 9 ans au Canada, dans la ville de Toronto.

En 2007, il est naturalisé canadien. Il vit actuellement à Concord, au nord de Toronto, avec son épouse Sharry. Il a deux fils, Paul et Devon.

Dès l’enfance, il est attiré par les récits de science-fiction et les mondes imaginaires ; il apprend à lire bien avant l’entrée à l’école primaire, et commence très vite à écrire de petites histoires. 

Son premier récit publié, sous le pseudonyme Bob Chuck Wilson, s'appelle Equinocturne. Il est paru dans le magazine américain Analog en février 1975, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans.

Science Fiction et Isaac Asimov’s Science Fiction Magazine au milieu des années 80. Wilson est remarqué et une éditrice, Shawna McCarthy, qui l’avait publié à Asilmov magazine, lui passe commande de son premier roman : ce sera A Hidden Place en 1986, qui raconte l’arrivée d’étranges voyageurs dans le quotidien sombre de la Grande dépression américaine.

Viendront ensuite plusieurs romans, dont Vice versa, Les fils du vent et Le vaisseau des voyageurs, parus en France chez J’ai Lu dans les années 90.

Mais c’est avec Darwinia en 1988, puis Bios et Les Chronolithes, publiés par Denoël / Lunes d’Encre, que Robert C. Wilson s’est taillé une réputation d’auteur à suivre pour le lectorat français.

Plusieurs de ses œuvres ont reçu des récompenses littéraires, dont la plus prestigieuse dans le domaine de la science-fiction, le prix Hugo, pour son roman Spin en 2006. Ce livre est le début d'une trilogie, qui se poursuit avec Axis et Vortex, publié aux États-Unis en 2011.

Au sujet de ses œuvres, qui s'achèvent souvent de manière ouverte, il a déclaré :

«  Je n’aime pas beaucoup les livres qui proposent une fin définitive et bien emballée. Pour moi, ils ferment la porte à l’imagination, justement. L’histoire se termine, d’accord, mais la vie continue.  »
— Robert Charles Wilson, Interview au Cafard Cosmique

La science-fiction de Robert C. Wilson met l’Homme au cœur de l’intrigue. L’imaginaire n’intervient que pour imposer la confrontation des personnages. Pas de gros effet, mais des idées de départ toujours très fortes, et beaucoup de sensibilité dans le traitement des personnages.

  
Le pitch  
 
Alors que l’Amérique se prépare à fêter les cent ans de l’Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d’avancées sociales et de prospérité, Cassie n’arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l’observe longtemps, traverse la chaussée… et se fait écraser par un chauffard. L’état du cadavre confirme ses craintes : la victime n’est pas un homme mais un des simulacres de l’Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l’assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n’a pas d’autre solution que fuir. 

L’Hypercolonie est repartie en guerre contre tous ceux qui savent que la Terre de 2014 est un paradis truqué.
  
"Je me demande parfois si cette paix qu'ils nous ont donnée ne commence pas à se désagréger, dit Ethan.
- Ils nous l'ont imposée, plutôt que donnée. Et je ne suis pas sûre qu'on devrait parler de paix."
Pax formicae, pensa-t-elle. La paix de la fourmilière. 

Ce que j'en ai pensé

L'hypercolonie est une entité faite de milliards de cellules fonctionnant tel un cerveau et se comportant comme une entité insecte entourant la terre. Amplifiant et modifiant légèrement les signaux émis par les humains, elle régule les penchants belliqueux de notre race, dans un but qui n'est connu que d'elle. Chaque coup de téléphone, émission radio, programme télévisé est sous sa coupe et nul ne peut communiquer sans être sous l’œil scrutateur de ce grand être régulateur. 

Afin de mener à bien certaines missions incognito, cette entité produit des simulacres, ou sims, en tout point comparable à des être humains à la différence que leur cerveau et leurs organes internes sont remplacés par un liquide vert à la forte odeur végétale. 

La society, société secrète regroupant des scientifiques ayant découvert des pans de la vérité, est poursuivie et persécutée par l'hypercolonie. En 2007, nombres de ses membres ont été tués, ainsi que leur familles et, depuis, les survivants appliquent des principes de vie paranoïaques pour assurer sa survie. 

Cassie et son petit frére Thomas se retrouvent bien vite à devoir fuir, accompagnés de Léo et de Beth, deux autres jeunes ayant survécu au traumatisme de 2007. Bientôt, Nérissa et Ethan, l'oncle et la tante de Cassie et Thomas, ainsi que Beck, le père de Léo mais aussi le cerveau de la society, se lanceront à leur recherche.  

Amoureuse de SF et alléchée par ce programme, ainsi que par la découverte de ce grand monsieur du genre, je n'ai malheureusement pas réussit à entrer dans ce roman. 

En premier lieu à cause de l'aspect uchronique du roman qui, à mon sens, est quasiment inexistant. A aucun moment je n'ai eu le sentiment d'être dans un monde légèrement différent du notre, à l'image du Maitre du haut château de K.Dick, ou (pourquoi pas ?) dans une société plus steampunk comme dans La lune seule le sait de Johan Heliot, ce qui aurait put être justifier par la limitation technologique que semble subir l'humanité afin de protéger le secret de l'existence de l'hypercolonie. Sachant que la guerre est le moteur premier des avancées technologiques, mais aussi des changement géopolitiques, j'ai trouvé ce pan de la réalité décrite par Wilson trop peu développé, et sa réalité uchronique bien peu immersive .

Wilson à également fait le choix narratif de se faire alterner deux groupes de protagonistes tout au long du roman: les jeunes adultes d'un coté et les parents de l'autre. Je n'ai pas trouvé de réel intérêt à ce choix narratif; tous auraient put être intéressants, chacun développant (trop peu) un rapport différent à l'hypercolonie et aux simulacres. Ethan notamment, l'oncle entomologiste dont on a quelques aperçus de son livre tout au long du récit, développe par certains aspects une réflexion proche de celle du héros du cycle d'Ender sans jamais aller au fond des choses. De même, le désir de protection familial de Cassie etde Nérissa m'ont parus très proches, et les traumatismes vécus par chacun ainsi que leurs centres d’intérêts et façons d'appréhender l'hypercolonie trop peu exploités. 

A ces deux groupes, j'aurai préféré avoir le point de vue de l'hypercolonie ou d'un simulacre, ou du moins sa perception des événements, afin de comprendre les deux positions et les différences d'appréhension du monde. 

Si les cent premières pages m'ont permises de me mettre dans le bain et les cent dernières de finir l'histoire bon gré malgré, j'ai cependant subit les cent cinquante pages médianes, dans un road trip manquant de rythme pour être haletant, et sans grand intérêt pour l'histoire ou la découverte des ressorts psychologiques des personnages, le tout agrémenté d'un épilogue vaudevillesque... En effet, celui-ci m'a parut caricatural, même si j'ai apprécié que la fin soit en demie teinte.

Au final, j'ai le sentiment d'avoir eu  les même questions en début et en fin de roman, de ne pas avoir eu l'impression que l'humanité agissante comprenait ce qu'elle faisait, et d'un acte manqué de communication et de compréhension d'une entité complexe qui pourtant par moment à tenté de communiquer. Certes tout du long du roman il nous est rappelé que les simulacres ne ressentent rien et communiquent en calculant les meilleures paramètres pour arriver à leur fin... Mais n'est-ce pas le cas de tout un chacun, humain, animal ou végétal dans ses stratégies de survie ? Est-ce une raison pour autant de refuser tout contact ? 

J'ai également trouvé réducteur d'estimer qu'une entité ruche n'a pas la question du JE, notamment face à une espèce aussi individualiste que la notre... Là où il y aurait put avoir de L'homme doré et un développement intéressant des simulacres voir d'une seconde humanité, je n'ai rencontré qu'un grand vide apeuré et un coup de talon sur le cafard angoissant traversant le lino de la cuisine....

Certes, la réponse la plus probable de l'humanité à une telle invasion, quel qu'en soient les bénéfices, seraient très semblablement celle proposée par l'auteur.  Mais un roman de SF n'est-il pas là pour provoquer des questionnements, voir proposer de nouvelles approches de scénarios fantastiques ? 

 Peut-être était-ce là le but de l'auteur ? Une fin de non recevoir, faire naitre la frustration chez son lecteur afin de développer sa curiosité envers ce qui est autre ? En ce cas, j'ai bon espoir qu'il ait touché au but.

Reste que je n'ai pas ressentit d'émotions tout au long de cette lecture, et, paradoxalement, bien que les protagonistes soient des humains, j'ai eu le sentiment de lire un compte rendu détaillé et minutieux fait par un simulacre... 

Au fait, vous ne trouvez pas que ça sent l'herbe fraichement coupée ?

Elle était impitoyablement, inlassablement létale. La différence, c'était qu'il savait qu'elle ne le détestait pas de son coté. Il croyait l'hypercolonie incapable de cette émotion comme de toute autre. Elle avait la létalité magnifiquement indifférente d'un champignon vénéneux ou d'un insecte venimeux. 
 

En résumé... 

Les plus;
  • Une entité extraterrestre intéressante et complexe, 
  • une lutte pour la survie des humains. 

 Les moins;   
  • Beaucoup de bonnes idées non développées, 
  • cent cinquante pages médianes pas vraiment utiles au récit, 
  • beaucoup de répétitions de même éléments tout au long du récit, donnant le sentiment de "meubler", 
  • des personnages qui ne m'ont pas touchée,
  • Une fin sans réponses ni évolution par rapport au début du roman.

En conclusion;

Un rendez-vous manqué pour ma part, bien que j'ai abordé ce roman avec enthousiasme. Pour autant je ne m'arrêterai pas là dans la découverte de cet auteur, et compte bien lire d'autres de ses œuvres. 


La chenille n'était guère qu'un moteur protéinique qui se conformait à une suite de comportements prédéterminés. Tout comme moi, sauf que dans l’espèce à laquelle appartenait Ethan, l'évolution avait produit un moi conscient à base de chimie et d'imprévu. 
Je ressens, donc j'ai en horreur.


cités dans cet article





Pour aller un peu plus loin ;




 L'avis ici  de Miss Leo :)



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