La mort rend
les indociles plus grands que de leur vivant. Mais celui-là était déjà immense
lorsqu'il respirait encore.
Si vous ne lisez que ces lignes;
L'humain et ses
luttes intrinsèques est mis en lumière au fil des temps et des pages de ce
roman en la figure d'un personnage emblématique. Formant un drôle de duo avec son
gardien, Charon, toute la question est de savoir qui est le tortionnaire de
l'autre...
L'humanité peut-elle évoluer asses vite pour se prémunir de
l'auto-destruction ? Lisez donc Trois oboles pour Charon...
Franck Ferric

Fasciné par la limite ténue qui sépare la raison de la folie, par les déserts et les villes, et par la matière dont sont modelés les rêves et les cauchemars, ses influences littéraires sont faites de morceaux de Lovecraft, de Léa Silhol, de Bukowski, de Hesse.
Trois oboles pour Charon, son dernier roman, vient de paraître aux éditions
Denoël.
Une interview
intéressante sur Trois oboles pour Charon ici.
Marches
nocturnes (2007)
|
La loi du
désert (2009)
|
Révolutions
(2011)
|
Les tangences
divines (2011)
|
Dernière
semaine d'un reptile (2013)
|
Retour à
silence (2014)
|
Trois oboles
pour Charon (2014)
|
Voilà que tu
découvres enfin une vérité du monde : est vivant celui qui se bat. Il n’y a que
les morts pour savoir la paix.
Le pitch
Pour avoir offensé les dieux et refusé d'endurer sa
simple vie de mortel, Sisyphe est condamné à perpétuellement subir ce qu'il a cherché
à fuir : l'absurdité de l'existence et les vicissitudes de l'Humanité. Rendu
amnésique par les mauvais tours de Charon – le Passeur des Enfers qui lui
refuse le repos –, Sisyphe traverse les âges du monde, auquel il ne comprend
rien, fuyant la guerre qui finit toujours par le rattraper, tandis que les
dieux s'effacent du ciel et que le sens même de sa malédiction disparaît avec
eux.
Dans une ambiance proche du premier Highlander de Russell Mulcahy, Trois oboles pour Charon nous fait traverser l'Histoire, des racines mythologiques de l'Europe jusqu'à la fin du monde, en compagnie du seul mortel qui ait jamais dupé les dieux.
L'unique chose
qui parvenait encore à me convaincre d'avancer était l'ennui.
Le Maubec me
l'avait appris : rester seul avec soi-même trop longtemps menait à la
folie. Et j'étais d'un tempérament trop solide, trop borné, trop sanglier
pour laisser facilement la démence m'envahir. Toujours, la lassitude
l'emportait sur l'inertie, et alors il fallait que je me lève.
Ce que j'en ai pensé
Trois oboles
pour Charon m'est apparut comme un roman de la mémoire. A la
manière d'une tragédie grecque, il pose la question en une suite de
répétitions, de variantes, posant le tempo et le pouls d'une humanité violente
et autodestructrice.
Grandissant à
l'allure des croyances et fois de l'humanité, les forces en présence évoluent et
posent les grandes questions des métaphysiciens au cours des siècles.
Pourquoi ? Comment ? Quelle destinée pour l'humanité ? Quid du libre
arbitre ?
Roman de la
mémoire donc, mais de celle que confère l'histoire, outil créé par ceux qui,
ayant perçut l’inanité de nos laps de temps trop courts que sont nos vies,
avaient compris que seule la mémoire longue nous sauverait. Car la mémoire
humaine, à l'image du héros de Trois oboles pour Charon, est un piège de
Tantale, un tonneau des danaïdes pour toute forme de sagesse que pourrait
acquérir l'humanité.
Voici donc le
cruel cadeau des dieux fait aux hommes personnifiés par le Sisyphe de Franck
Ferric. Mais, poser en négatif, Charon le passeur, le dieu, vit comme une
persécution la répétition des questionnements humains. Plaie à vif, les
éternels atermoiements de Sisyphe et son incapacité à retenir les leçons de
l'histoire mettent au supplice ce dieux qui n'oublie rien et sais presque
tout...
Imagée comme
une bande dessinée, la plume de l'auteur décrit à merveille les époques,
costumes ou patois usités au cour des péripéties de son héro. Véritable
caméléon, le style de l'auteur toujours identifiable se coule à merveille aux
environnements évoqués, permettant une cohérence de son récit mais également de
son héro tout au long du roman.
Procédé
intéressant pour la rythmique du récit, la répétition d'épisodes de guerre me
fut pénible. Certes, seul celui qui se ferme aux nouvelles du monde peut
ignorer la continuité de conflits armés et sanglants dans notre espèce,
cependant, quelques temps morts en plus de réflexion et d'introspection du héro
m'auraient plut.
Sisyphe,
véritable montagne de muscles, parfois plus animal qu'humain, est confronté, malgré sa force et sa ruse, à ses limites humaines: il ne sait que
réagir à l’inévitable. C'est en cela que j'ai trouvé ce personnage peux
attachant et même, avouons-le, parfois lassant : son manque d'analyse et de
recul, même une fois le temps long reçut en partage. Cependant, ce choix de l'auteur est tout à fait justifiable par la condition de simple humain de son héro, même s'il est plongé dans une temporalité qui n'est pas la sienne...
Franck Ferric
signe ici un pamphlet contre la guerre et la bêtise humaine, nous faisant boire
jusqu'à la lie cette histoire de l'humanité qui, certainement, restera
prédominante. Paris réussit donc; la guerre, la violence, sont nos propres
démons qui nous dévorent. Restent qu’aucune porte de sortie n'est envisagée
ici, aucune piste de réflexion proposée, et c'est peut-être le reproche
principal que j'adresserai à ce roman.
L'aventure humaine par sa face sombre nous est donc contée dans ce roman; sa violence et ses belligérances, qui, paradoxalement, sont les raisons de sa survie et de ses avancements technologiques et philosophiques...
Cette volonté d'échapper à sa condition, n'est-ce, alors, pas le principale supplice de Sisyphe de l'humanité ?
En résumé...
Les plus;
- Une plume imagée, vive, donnant du rythme et des couleurs aux nombreuses étapes du récit,
- un questionnement profond intéressant abordant de nombreux thèmes majeurs,
- un duo stimulant entre les deux principaux protagonistes.
Les moins;
- Un procédé de répétition situationnel qui, s'il se justifie par l'histoire, peut être lassant,
- un défaut d'empathie (pour ma part) avec le personnage principale,
- un manque d'ouverture à des solutions possibles pour le devenir de l'humanité...
En conclusion;
Un roman au
projet ambitieux, qui remplit son contrat avec brio mais qui ne m'a pas
touchée. Malgré les thèmes majeurs abordés par ce texte ainsi que la qualité
indéniable de la plume de l'auteur, je n'ai pas réussi à entrer dans
l'histoire... Peut-être est-ce normal vu l'immensité de son personnage
principal et des temps couverts au fil des pages ?