mardi 12 mai 2015

La vie des elfes de Muriel Barbery

 
Savez-vous ce que c'est qu'un rêve ? Ce n'est pas une chimère engendrée de notre désir  mais une autre voie par où nous absorbons la substance du monde et accédons à la même vérité que celle que dévoilent les brumes, en celant le visible et en dévoilant l'invisible. 


Si vous ne lisez que ces lignes;
Vision poétique et originale des elfes, voici un petit bijoux se dégustant au rythme lent des brumes et des pas du paysan allant aux champs. Prophétie se mettant doucement en place, roman du ressentit, voici une écriture mêlant cantiques et réalités quantiques.

- L'univers est une immense récit, dit Petrus. Et chacun a le sien propre, qui rayonne quelque part dans le ciel des fictions et mène quelque part dans celui des prophéties et des rêves.  


Muriel Barbery 

Muriel Barbery est née à Casablanca le 28 mai 1968. 

Ancienne élève de l'école normale supérieure, Muriel Barbery est professeur agrégée de philosophie et a enseigné à l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Saint-Malo. 

Elle écrit son premier roman en 2000 "Une gourmandise": un critique gastronomique à l'agonie essaie de retrouver un goût inconnu. C'est le succès de la rentrée littéraire. Il sera traduit en douze langues.

Son roman "L'Élégance du hérisson" est la surprise éditoriale de l’année 2006: il a en effet connu 50 réimpressions et s’était vendu à 600 000 exemplaires en octobre 2007, ayant aujourd'hui dépassé le million d'exemplaires et ayant occupé la première place des ventes trente semaines consécutives. Ce roman a obtenu de nombreux prix (dont le prix des libraires 2007) et a permis à son auteur de figurer dans le Top 10 des romanciers ayant vendu le plus de livres en 2007. 

Après un séjour de 2 ans au Japon et souhaitant rester dans l'ombre des médias et du public, elle vit loin de la pression médiatique. Revenue en Europe, elle a résidé à Amsterdam, puis s'est installée en Touraine.

En mars 2015, elle publie un nouveau roman "La vie des elfes".
En lien, une interview de l'auteur au sujet de son dernier roman par  l'express
 
Le pitch

Quoi de commun entre la petite Maria, qui vit dans un village reculé de Bourgogne, et une autre fillette, Clara qui, à la même époque, après avoir grandi dans les Abruzzes, est envoyée à Rome afin d’y développer un don prodigieux pour la musique ? Peu de choses, apparemment. 

Pourtant, il existe entre elles un lien secret : chacune, par des biais différents, est en contact avec le monde des elfes – monde de l’art, de l’invention, du mystère, mais aussi de l’osmose avec la nature, qui procure à la vie des hommes sa profondeur et sa beauté. 

Or une grave menace, venue d’un elfe dévoyé, pèse sur l’espèce humaine, et seules Maria et Clara sont en mesure, par leurs dons conjugués, de déjouer ses plans. Les deux fillettes, une fois réunies, auront à mener un long combat...

On voyait que l'homme était né nanti de cette grâce où se puisent les plus grandes extases et les interminables incendies, et Clara sut qu'il était beau parce qu'il respirait à la manière des arbres, avec une ampleur qui le rendait tout à la fois plus aérien et plus droit. 


Ce que j'en ai pensé

Ayant apprécié ses précédents romans et étant une férue d'heroïc fantaisy, j'ai sauté sur ce récit, curieuse de voir ce que Muriel Barbery avait à faire avec des elfes. Très éloignée des visions modernes des maitres du genre (Tolkien, Fetjaine entre autres), des jeux vidéos ou animés japonais (comme Lodoss), la vision de Barbery renoue avec les racines des légendes européennes, voir même avec un certain animisme pour ne pas dire chamanisme.

Usant des aspects métaphoriques et sensitifs des arts et des mots, l’écriture est ici poésie faite dentelle qui entoure pour mieux dévoiler, cernant l'objet pour le situer, aussi nébuleux soit-il. Car le récit, l'épopée, la prophétie, sont ici différentes facettes d'une réalité méthamorphe et fluctuante, futur encore en cours de formation dont les elfes semblent deviner pourtant déjà certains caractères.

Voici donc des êtres différents des hommes, complémentaires, incapables d'imagination mais amoureux des arts, virtuoses dans l’exécution mais trop ancrés dans le réel par là où l'homme peut s'en échapper. Original et pourtant profondément rattaché aux mythes ancestraux, le cadre du récit mais également ses protagonistes font échos en des zones oubliées de nos mémoires.

Maria et Clara, deux enfants insolites, devront tracer leur chemin dans ce tourbillon fluctuant, et si, par moments, le lecteur peut se sentir perdu et sans repères, il faudra compter sur l'intuition et le cœur de ces deux enfants faisant le lien entre la bonté et le bon sens paysan et les illuminations inénarrables des artistes elfiques.

Ainsi, les ressentis et les pouvoirs sont-ils suggérés par des descriptions de paysages liés à des ressentis, a des contes, des moments de la vie domestique alliant couleurs, textures et odeurs, à des visages ou des moments de respirations des cœurs et des âmes. Magie des artistes ou des "bonnes femmes", paysannes illettrées connaissant les simples ou peintres proches des calligraphes japonais, encore une fois l'on est loin des notions de magies façon Harry Potter et consorts, mais bien dans une tradition trouvant source bien avant le moyen-âge...

Roman lent, se dégustant, à l’écriture riche et belle comme peut l'être la langue française, aux racines anciennes et mythologiques, certes; La vie des elfes ne choisit pas les autoroutes du prêt à consommer actuel...  Il n'en est donc que plus précieux et stimulant, se démarquant de son époque et des esthétiques trop de fois usitées. 

Tolkien avait souhaité fonder un mythe composite alliant toutes les traditions européennes et fut fustigé avant de connaitre le succès populaire qu'il a acquis de nos jours. Muriel Barbery, de par son épopée, car telle est bien la nature de son écrit, propose une transcendance des époques et cultures, sans jamais les mentionnées, supprimant les murs du temps et de l'espace,  plaçant son récit dans une grandeur toute terrienne dans le sens noble du terme. Ici, point de chevaliers mais des paysans, point de baguettes magiques mais des pianos et des pinceaux, pas d'oreilles pointues mais des êtres polymorphes fluctuants...

Véritable bouffée d'air frais à l'heure de la marée fantaisy et bit lit trop souvent formatées que le monde de l’édition commet, La vie des elfes de Muriel Barbery bouscule les habitudes pour notre plus grand bien. Son style, que certains trouveront tarabiscoté ou ampoulé, signature de l'auteure depuis ses premiers romans, dénote d'une connaissance certaine mais également d'un grand amour de la langue française, comportant tant de nuances qu'il serait dommage de ne pas les usités.

Laissez-vous donc emporter et charmer par les brumes élfiques et les terroirs italiens et français: pour ma part, ce roman me restera un voyage inoubliable et j’attends avec impatience sa suite annoncée !

Voyez-vous, c'est un conte, bien sûr, mais c'est la vérité aussi. Qui peut démêler ces choses? Personne, en tout cas, de ceux qui ont entendu l'histoire de cette gamine qu'on avait trouvée dans un village perdu des Abruzzes entre un curé de campagne et sa vieille bonne ignorante.


En résumé
Les plus :
  • Un récit original, proposant sa vision propre de la fantaisy,
  • un récit fignolé touchant aux sens et aux essences des choses,
  • une histoire passionnante se passant des figures traditionnelles stéréotypées, 

Les moins :
  • Une écriture précise pouvant en dérouter certains, 
  • un récit ne dévoilant pas tous les secrets d'un coup certainement frustrant pour certains lecteurs là où d'autres trouveront cela stimulant.

Mais si le Maestro irradiait une aura de rochers et de berges, le Gouvernement s'élevait en une flèche dont l'empennage clair se tournait à la fin en plumes calcinées, et il avait au cœur une distorsion qui s'éloignait de lui-même et ressemblait à une blessure ouverte apposée sur une magnificence première.


En conclusion
A l'opposé de la notion marchande actuelle de la littérature perçue comme un consommable, La vie des elfes est un récit éminemment riche, foisonnant, ne révélant pas toutes ses complexités en un seul jet.  Exit ici les trames cousues de fils blancs, les personnages et artifices cents fois usés; voici un conte élfique proche des croyances de nos campagnes, des mythes du moyen-âge et des elfes proches des costumes des shamans sibériens... Riche, voir indigeste pour certains à l'heure du light  prédigéré et pré-pensé, ce petit bijoux littéraire ravira les amoureux des belles lettres et aventuriers de tous bords.

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