jeudi 29 octobre 2015

L'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes de Karine Lambert


- On n'a pas renoncé à l'amour.
- C'est très beau l'amour, le véritable amour.
- On a renoncé à l'espérance folle de le vivre.
- Aux montagnes russes.
- A la polygamie.
- A vouloir rapprocher le pôle Nord et le pôle Sud.
- Au bricolage quotidien, à recoller mille fois les morceaux.
- A perdre la raison quand on découvre que l'autre n'est pas celui qu'il faisait semblant d'être.
- A se diluer, se contorsionner, se rogner les ailes pour plaire.
- A se laisser rouler dans la farine pour une caresse, un mot doux.
- A devenir pathétique.
- A perdre tous ses neurones et rester accro à une relation toxique.
- On ne peut pas se protéger en amour.


Si vous ne lisez que ces lignes;
Drôle, émouvant, le récit des vies emmêlées de six femmes abimées par la vie et tentant de se reconstruire dans un immeuble interdit aux hommes de la vie. Un portrait touchant des femmes dans leur complexité et leur diversité, sans tabous mais avec délicatesse. Prendre un thé avec elles fut un réel plaisir ! 

Le bonheur est une petite chose que l'on grignote assis par terre au soleil. 


Karine Lambert 

Photographe de nationalité Belge, la bruxelloise Karine Lambert signe avec L'immeuble des femmes ayant renoncé aux hommes son premier roman. Le prix saga, décerné à un premier roman belge, à choisit son roman comme lauréat 2014. 

Pour mieux la connaitre, une interview ici, une vidéo là, et ses photos par ici.

Mon rêve est dépassé. Je suis moi-même dépassée. C’est une incroyable aventure. Mon éditeur y croit aussi. Le premier tirage est de 12 000 exemplaires et les droits sont déjà vendus à des éditeurs étrangers.


 Le pitch  


Cinq femmes d’âges et d’univers différents cohabitent dans un immeuble parisien. Elles ne veulent plus entendre parler d’amour et ont inventé une autre manière de vivre. L’arrivée d’une nouvelle locataire va bousculer leur équilibre. Juliette est séduite par l’atmosphère chaleureuse de cette ruche, à un détail près : l’entrée est interdite aux hommes. Va-t-elle faire vaciller les certitudes de ses voisines ou renoncer, elle aussi ? 

Ce roman vif et tendre oscille entre humour et gravité pour nous parler de la difficulté d’aimer, des choix existentiels, des fêlures des êtres humains et de leur soif de bonheur. On s’y sent bien.

Elle n'a plus envie de provisoire ni d'un homme sur mesure qui comblerait son manque au millimètre près. Elle ne veut plus de rêves géants et de réalité minuscule. Elle ne veut plus d'urgences qui se croisent. De mâles au sexe raide et aux promesses floues. De nuits sans lendemains. Elle ne veut plus être un lieu de passage. Elle voudrait calmer sa course folle, poser ses valises. Elle voudrait retrouver le même homme à côté d'elle chaque matin.


Ce que j'en ai pensé

Frais et intemporel, ce roman parle des femmes, de leurs destins et déboires mais aussi de leurs ressources et de leur capacité à la résilience. Chacune use de sa recette miracle, que cela soit la colère, la résignation ou la recherche de soi. 

Ici pas de propos anti-hommes mais une analyse plutôt fine sur les raisons et conséquences des déboires connus par les personnages. Temps et lieu de repos et de gestation, l'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes n'est pas un roman prônant la fermeture aux hommes mais le retour (ou l'aller) à soi.

Chacune reconnaitra une amie ou soi-même dans certains personnages, permettant une entrée dans ce cercle de femmes attachantes ainsi qu'un peu d'autodérision. Pour ma part, Rosalie qui propose un thé pour régler tout et n'importe quoi m'a fait penser à ma propre manie...

Feel good roman, L'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes fait sourire dans la multiplicité des portraits proposés, sans langue de bois mais avec une infinie tendresse, le tout portant un questionnement de fond plus profond sur l'amour et son impact dans la vie des femmes et la place du couple dans une vie épanouie. 

A la recherche d'un équilibre, le point commun de ces six femmes est une cassure, une fêlure les ayant obligées à se trouver elles-mêmes avant de se poser la question d'un autre. Car là est bien le mal-être féminin décrit par Karine Lambert;  la tentation de trouver ce qu'il nous manque dans un autre avant de chercher à se l'apporter à soi-même.

Tour à tour les émotions vives passent du rire à la tristesse, de la colère à l'abnégation,  du désir au repli sur soi, de la solitude à la complicité. Il se dégage de cette sororité un parfum de Clarissa Pinkola Estés, une magie de bonnes femmes sachant apporter et prendre en chacune ce qui lui est nécessaire. 

Soirée pyjama géante durant dans le temps où chacune possède tout de même son propre espace, ce roman est également l'adaptation d'un fantasme récurent chez les femmes; vivre entre copines, ronronner ensemble tout en étant chacune dans son espace, et affronter la vie entre amazones... Temps de vie connu par celles qui ont traversé des difficultés, le retour au gynécée amical ne dure qu'un temps, mais il est une période de délices partagés et de cicatrisation des blessures de l’âme et du cœur.

La tête ébouriffée de Juliette apparaît dans le chambranle de la porte.
- Je vous cherchais. C'est quoi le programme ?
- On attend le beau temps.
- "La terre est lente mais le boeuf est patient", déclame Simone.
- Sunday blues.
- J'te roule un pétard, ma poule? lui demande Simone.
- J'préfère pas. J'ai peur de l'atterrissage. T'as pas un peu de musique, Rosalie?
Autre chose que des chants tibétains.
- J'ai des chants tibétains.
- Je vais aller nous chercher un truc... Barry White, ça va nous réchauffer.


En résumé... 
Les plus;

  •   Un roman qui fait du bien,
  •  Des portraits réalistes et variés pour un roman choral,
  •  Un fond intéressant et des idées à grappiller chez chacune des protagonistes.

 Les moins;  

  •  Difficile de quitter l’immeuble et les femmes l’habitant au sortir de ce roman !

En conclusion;

Un roman sans prétention pourtant porteur de sens, se lisant pour le plaisir ou avec une quête de réponses en soi. Des femmes touchantes et drôles, pour un roman éminemment féminin et sans vernis de bienséance. A l’image d’une tarte aux pommes roborative et délicieuse, un petit régal de lecture !

La vie est un fil.
Nous sommes tous des équilibristes.


Cité dans cet article



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire