jeudi 26 juin 2014

Âmes de Verre - le Sidh tome 1 - d'Anthelme Hauchecorne

Il y a des lectures qui vous changent à jamais, il paraît. Mais ce bouquin-là, il vous avale, il vous mâchouille et il fait des bulles avec votre cerveau.



 

Si vous ne lisez que ces lignes;


De l'excellente dark urban fantasy, un croisement monstrueux entre alien, Étoiles, garde-à-vous ! et le cycle Les Chroniques de Mackayla Lane.... Un condensé de culture underground qui parlera à pas mal de trentenaires, le tout mixé (avec morceaux) dans les bas-fonds de Lille. Préparez vos lance-flammes et dégustez tout ça bien chaud ! 


Anthelme Hauchecorne 

Anthelme Hauchecorne naît en 1980 dans une famille de la classe moyenne.

Ses études mêlent droit, économie et sociologie, trahissant une passion précoce pour les mélanges douteux. En 2007, l’auteur obtient le concours d’enseignant en économie-gestion. Jeune titulaire, son affectation le contraint à quitter sa Lorraine natale pour rallier le Nord-Pas-de-Calais. 

Où qu’il aille, l’encre des mots le suit comme une ombre. 
Ses romans touchent au fantastique et aux questions de société. L’auteur affectionne les univers régionalistes et documentés, multipliant les clins d’œil aux lieux et aux légendes locales. Son premier roman, La Tour des Illusions, prend place en Moselle. Le suivant, Âmes de verre, puise ses racines dans sa région d’adoption, le Nord-Pas-de-Calais. L’intrigue prend pied dans la métropole lilloise, entrecroisant déclin industriel, critique de l’inhumanité urbaine et résurgence de la cosmogonie celte.

Ses droits d’auteur sont reversés :
Pour La Tour des Illusions, au Secours Populaire
Pour Baroque ’n’ Roll, au Parti Pirate, afin de défendre l’Internet libre
Pour Âmes de Verre, aux recherches du Professeur DOLLFUS destinées à lutter contre le syndrome Bardet-Biedl.
Pour Punk's not dead, à l'ONG Sea Shepherd. 

Son site pour voir et lire des tonnes de documents est par là !  


Pascal Quidault


Pascal Quidault est né en 1976 à Compiègne mais c'est en Lorraine qu'il a grandi et il vit actuellement en Bretagne. 


Il fait des études d'électronique, passe quelques années aux Beaux-Art qui ne lui laissent pas un souvenir impérissable, et fait ensuite une école d'architecture et de design. Mais rien de tout ça ne lui donne l'envie de choisir un métier en particulier...

Il commence donc à travailler pour le milieu scientifique en faisant des graphismes 2D et 3D, de l'alimentaire qui lui laisse du temps pour peindre par plaisir. 

C'est pour Mongoose qu'il a réalisé le plus d'illustrations en couleur, monochrome et noir et blanc et on peut admirer ses nombreuses couvertures pour Lone Wolf, Rune Quest, Hawkmoonet et Elric. Une belle carte de visite qui le fait travailler très vite pour d'autres sociétés de jeux, Green Ronin, Games Workshop, Oriflam, The Design Mechanism ou encore Asmodée.

Talentueux, il est trés vite remarqué par les maisons d'éditions  de SF et illustre de nombreux romans dont Fissures de Jess Kaan chez Lokomodo ou Terra Nova de Leonard Balsera pour Pelgrane Press. 
 
Outre les nombreuses couvertures de romans en cours et ses travaux pour le JDR, il a un projet avec le scénariste Eric Nieudan qui sera, selon ses dires, «violent, épique, sanglant et possèdera de sérieuses courbes avantageuses»... 


son site officiel est par
Une bio assés compléte (et des illustrations) ici


Le pitch  

« Ce livre vous attendait. Il était écrit que vous feriez sa connaissance. 
Car peut-être êtes-vous, à votre insu, un(e) Éveillé(e). Auquel cas, vous êtes en grand danger. Les rues de cette ville ne sont pas sûres. Pour vous, moins que pour tout autre. 

Car les Streums rôdent, à l’affût d’une âme à briser. Je ne vous mentirai pas : vos options ne sont pas légion. Votre meilleure chance de survie git selon toute probabilité entre ces pages. 

Qui sont les Streums, demanderez-vous ? Pourquoi convoitent-ils les fragments du Requiem du Dehors ? Quel avantage espèrent-ils retirer de cette partition funeste ? Si vous ignorez les réponses à ces questions, vous vous trouvez alors face à un choix. Pour lequel il est de mon devoir de vous aiguiller. 
 
Souhaitez-vous rejoindre la Vigie, risquer votre vie et sans doute plus encore, dans une lutte désespérée pour déjouer les intrigues du Sidh ? …Ou bien demeurer parmi le troupeau des Dormeurs, à jamais ? 

Pareille aventure ne se présente qu’une fois. Sachez la saisir. » 


Enki, enquêteur et logicien de la Vigie


 Ce que j'en ai pensé

Mélangez de la culture métal et gothique (Meshugga, septic flesh), des références à certains jeux de rôles et auteurs à peines voilées (Lovecraft, Shadowrun, Mutant chronicles, Bitume), des personnages aussi barrés que les pirates de la grande époque (Teach dit barbe noire, Bonny ou Bartholomew Roberts), une lecture sociale faite par un Deleuze ou un Bourdieu au bazooka et des légendes celtiques noircies au jus de bubons et vous obtiendrez cet étrange roman, si tant est que vous ayez une once du talent d'écriture et d'humour d'Anthelme Hauchecorne.... Amis lecteurs ne soyez pas effrayez par son nombre de pages (650) car tout ceci se lit avec facilité et grand plaisir : moins, c’eut été frustrant !

Ovni dans le monde de l'urban fantasy actuelle, ce roman l'est pour deux raisons. La première, et non des moindres, est le fait que rares sont les publications du genre de cette qualité proposées par des français. Le rythme des scènes, l'intercalation de morceaux choisis; tout y est ludique, en faisant un objet a situer entre une BD et un jeu vidéo romancé... La deuxième raison en faisant un ovni est qu'Anthelme Hauchecorne se réapproprie un genre qui, depuis une dizaine d'années, est dominé par les auteures féminines. Nombre de romans d'urban fantasy paraissent tous les mois, certains forts bien écrits, comportant leur lot de romances et de monstres à potentiel sexuel acceptable. Rares sont les romans actuels d'urban fantasy et dérivés ne comportant pas leur petite romance qui adoucira le propos...   

A noter cependant que des romans tels que  La forêt des damnés de Carrie Ryan ou Les chroniques de Mackayla Lane de Karen Marie Moning comportent leur lot de noirceur et s'inscrivent dans des univers immersifs tout autant que le roman d'Anthelme Hauchecorne. Néanmoins, l'on sent dans les âmes de verre,  au travers d'un univers original, un retour aux sources de la sf, de la fantasy et l'urban fantasy, proche d'un Michael John Moorcock ou d'un Graham Masterton qui ravigote.

Fait à souligner, ce roman d'urban fantasy se déroule à Lille (si si, vous avez bien lu) et est également rafraichissant dans le flot de littérature fantastique se déroulant constamment aux U.S.A, même si de nombreux auteurs prennent à présent le parti d'expatrier monstres et héros de la patrie de Lincoln...

Le format, est assés original pour que celà soit souligné, et permet au lecteur de se faire sa propre lecture du monde décrit entre les lignes de ce roman polyphonique. Entrecoupé de morceaux tirés du Codex Metropolis, livre écrit et compulsé par les Piliers (membres fondateurs) de la Vigie (organisation anarchiste de résistance) réunissant les philosophies (toutes personnelles) et les connaissances acquises sur ceux que seuls peuvent voir les éveillés; les Daedlos (ou streums pour les moins intellos), Âmes de verre propose aussi des morceaux de journaux de bord de certains protagonistes, entremêles du récit de plusieurs personnages. Des illustrations (certaines m'ont fortement fait penser à celles présentent dans un livre de règles de Cthullu ou de Wararmer 40M et je vous jure que je n'avais pas lue la bio de l'illustrateur avant !), réalisées par Pascal Quidault, amènent un peu plus d'horreur et de poésie au récit.

Tout ce fatras, loin d’emmêler le lecteur ou de couper le récit, permet des temps de respiration propices à une plongée encore plus profonde dans cet univers par la prise de partie du lecteur. Serez-vous plus de l'avis d'untel ou untel parmi les piliers ? La prise de position d'un tel autre sera-t-elle rédhibitoire pour vous ? Peut-être reverrez-vous votre jugement au fil du roman... Ainsi, par ce procédé, je pense qu'il existe autant de lectures de ce récit que de lecteurs: les mystères défilent, les explications se multiplient, et tout ce qui vous paraissait important au début du roman vous est donné tout en vous laissant sur votre faim; voilà, vous êtes entré à la vigie, comme ses autres membres, non-pas de l'avoir voulu mais de savoir trop de chose que les dormeurs ignorent...  Cette réalité est une plante carnivore qui vous digère avant même que vous ayez pris conscience d'avoir séjourné sur sa langue !

Pour ce qui est du roman en lui-même, l'histoire vous accroche et les personnages sont à la hauteur de la réalité qui nous y est donnée à voir. Héros du quotidien, paumés, un brin anarchistes, ils portent tous de profondes séquelles de leurs vies... Chacun à sa manière porte des coups à la réalité sociale toute lisse que nous présentent nos postes de télévision; ici, la vie est moche et les secondes chances n'existent peut-être pas pour tous...

La protagoniste principale, Camille, gothique adulte paumée et révoltée, porte sa colère comme une armure. Membre de la vigie, espérant être promue chasseuse, elle agit comme une kamikaze et mène une enquête certainement bien au-dessus de ses capacités... Petit à petit, on en apprend plus sur la vie de Camille, l'organisation de la vigie, et sur ce que sont les daedlos au travers des personnages qu'elle rencontre mais aussi des secrets qu'elle découvre.

Le second personnage principal, Vincent, est un prof de lycée révolté contre le système et ses inégalités, qui a acquis le don de vue suite à des événements traumatiques… Anarchiste, il s’enfonce peux à peux dans un comportement l’isolant du reste du monde. En parallèle de Camille, il évolue sur une piste qui lui est propre et dont il relate les morceaux les plus intimes dans un carnet. 

Chemin vers une renaissance ou plongée dans la perdition de soi et de la folie ? Chaque personnage suivra son propre chemin qui bien souvent ne sera pas tout à fait à l’image de l’illusion d’optique dont il provient…

Construit comme un roman psychologique, nul archétype n'est à prendre au premier degré: chaque personnage présent possède sa propre logique d'action, ainsi que son propre nuancier de valeurs... Les principes de justice, de respect de la vie ou de fidélité sont donc tous différents selon le personnage narrateurs. Une deuxième lecture est donc possible sous cet aspect. Ce principe de trame psychologique multiple (que l'on peut opposer à un certain classicisme où seul le personnage principal et, au mieux, quelques seconds rôles ont une psychologie développée et interagissante avec l'intrigue), m'a fait penser au procédé d'écriture de Bordage. 

Petit à petit, l'histoire se développe, créant des réactions, actions et mutations des protagonistes qui finiront par s'opposer ou tout simplement se retrouver confrontées. Construit à l'image de toiles d'araignées où chaque coin serait un personnage,  ça n'est bien souvent que trop tard que certains comprennent les agissements ou les impacts qu'ont certains événements...

Bien qu'archétypaux, les personnages possèdent tous une finesse loin de la banalité stéréotypée dans laquelle Anthelme Hauchecorne aurait pu tomber. C'est donc avec un plaisir sans réserve que l'on s'abandonne au récit qui, bien qu'âpre de premier abord est tout de finesse. Bourré de renseignements ouvrant sur d'autres questions, ce roman répond à la plupart des interrogations posées en début d'ouvrage tout en ayant démultiplié les possibles sur d'autres... 

Totalement addictif, cohérent dans la réalité proposée, ce roman est une merveilleuse réussite. Seul point légèrement frustrant : le peu de mise en rapport avec les légendes et traditions celtiques, les quelques éléments présents manquant de corps. Je pense cependant que ces liens-là seront explicités et enrichis au fur à mesure du déroulé de l’histoire dans le prochain tome… Les références faites au monde celtique sont cependant cohérentes et méritent certainement un brin de curiosité de la part du lecteur non connaisseur. 

Malgré son format imposant, c’est donc un total plaisir de lecture qu’âmes de verre nous propose ; souhaitons que le tome deux paraisse bientôt !





 En résumé

Les plus :
  • De l'urban fantasy matinée de gore et sentant bon le full metal jacket,
  • un univers cohérent et attractif remplit de mystères,
  • une écriture fluide, intelligente, bourrée d'humour,
  • des personnages aux psychologies développées et évoluantes dans le récit,
  • des illustrations et inserts d'écrits aérant le récit principal tout en donnant du corps à l'univers.
 
 
Les moins: 
  • Des références qui m'ont parues trop légéres vis-à-vis des mythes et traditions celtes,
  • un format imposant pouvant en faire fuir certains (mais ne fuyez pas! vous le regretteriez !)
 
 

En conclusion

 Un roman d'urban horror fantasy original par bien des aspects, haletant dans le déroulé de l'intrigue, riche dans les données annexes qui sont portées à la connaissance du lecteur. Se jouant des stéréotypes, Anthelme Hauchecorne propose un récit haut en couleur et psychologiquement profond et construit.





Nécrobiographie selon l'auteur ( située en fin des  Âmes de Verre)

RIP 

Anthelme Hauchecorne 

1980-2045
 

Anthelme Hauchecorne s’est éteint le 27 février 2045. Il avait 65 ans. Il est resté fidèle à ses idées, jusqu’au bout. Se sachant atteint d’une maladie incurable, il s’est fait sauter lors d’un attentat au camembert piégé visant le Président de la République, en visite d’inauguration au salon de l’Agriculture. 

Nulle victime à déplorer, hormis l’auteur lui-même. Un geste granguignolesque et salissant dédié à la libération des animaux d’élevage « injustement égorgés, équarris et dépiautés pour gaver des hordes de bipèdes carnassiers entartrés de cholestérol ». 

Un homme de convictions pour certains, un extrémiste végétarien pour d’autres.
Anthelme laisse derrière lui deux enfants adoptés et une vingtaine de romans naturels, tous orphelins. 

Sa femme l’avait quitté deux ans plus tôt pour un trader. Les criminologues attribuent cet ultime pied de nez à une hypersensibilité associée à des lectures douteuses. 

Dans la bibliothèque du défunt, des ouvrages de Serge Brussolo, Joël Houssin, Jérôme Noirez, Pierre Desproges, Alain Damasio… Dont déjà les associations de protection de l’enfance réclament l’interdiction.
Ses derniers mots : « BOUM ! » 


Cités dans cet article :




















2 commentaires:

  1. Super chronique ! contente de te l'avoir proposé ! Tome 2 en 2015 ou 2016 ou....

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  2. Merci ! du prêt et du petit mot ^^ oui, vivement le tome 2 !

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