jeudi 17 juillet 2014

Je reviendrai avec la pluie de Takuji Ichikawa

J'étais un pingouin qui volait dans le ciel. Je m'étais élevé à sa suite jusqu'à des altitudes inespérées. Je m'étais rapproché des étoiles. Et de là-haut les choses sales et laides qui encombrent la Terre, toutes les choses qui troublent le cœur ressemblaient à une magnifique tapisserie.C'était le bonheur. Puis elle a disparu, et je suis redevenu un pingouin ordinaire.


Si vous ne lisez que ces lignes;

Un roman léger et joli, un brin fantastique sur une famille japonaise dont la maman est décédée. Nous parlant de son quotidien romancé avec humour, l'auteur démontre qu'un amour tempéré peut-être aussi pure et fort qu'une passion...


Takuji Ichikawa

Né à Tokyo le 7 octobre 1962. Il est diplômé du département d'Economie de l'Université Dokkyo.  
 
Son premier roman, Séparation, a été publié en 2002.   

En 2003, plus de trois millions de lecteurs japonais tombent amoureux de Je reviendrai avec la pluie. Suite à son immense succès, le livre a inspiré un film et une série télé encensés par la critique adaptés par la chaine TBS, ainsi qu'un manga sacré best-seller.
Il officie également comme scénariste pour l'adaptation de ses livres, tels que Sono toki wa kare ni yoroshiku (2007), Tada, kimi wo aishiteru (2006) (tiré du roman "Renai shashin: mouhitotsu no monogatari") et Ima, ai ni yukimasu (2004).


Le pitch

L'amour peut-il être éternel ? C'est ce dont est persuadé Takumi, homme maladroit et angoissé, qui doit élever seul son fils de six ans, Yûji, depuis la mort de sa femme, Mio. Une année est passée et, comme elle le lui avait promis, Mio réapparaît miraculeusement au premier jour de la saison des pluies. 

Mais celle-ci a tout oublié de sa vie avec son mari. Durant six semaines, comme suspendues dans le temps, Takumi va donc l'aider à démêler les fils de leur amour et, doucement, laisser naître une nouvelle histoire.

Fortement autobiographique, bien que sa femme ne soit pas décédée, Takuji Ichikawa défend dans Je reviendrai avec la pluie une vision idéalisée de l'amour et met au service de cette histoire bouleversante une écriture d'une sensibilité rare, poétique et pleine de fantaisie.

Voici ce que je me suis dit quand Mio est morte.
Celui qui a créé notre planète n'en a-t-il pas conçu une autre en même temps, quelque part dans l'univers ?
La planète où vont les défunts.
La planète Archive.




 Ce que j'en ai pensé

Notre époque est bercée de romances passionnelles où seuls les débuts d'histoires sont évoqués, shoots d'endorphines garantis... Que penser alors d'un roman sur la fin d'une histoire d'amour, raisonnable et sans remous ? Une fois le dégrisement opéré, le couple est il ennuyeux ou bien réside-t-il dans la routine le merveilleux ? C'est à cette ascèse que nous invite Takuji Ichikawa dans son roman; retrouver le gout du peu qualitatif, ces petits riens proches de ce qui fait battre les cœurs aux premiers regards.

Takumi et Mio sont deux êtres raisonnables. Posés et réfléchis, ils ont construit leur amour de la même façon; en prenant leur temps et en ne disant que des paroles emplies de sens et d'émotions. Rien n'est superflu dans leur amour; tout y est intense, semblable a un souffle retenu. 

De leur amour est né un petit garçon: Yuji. Véritable trait d'union entre ses parents il possède tout à la fois le sérieux pondéré de sa mère et la poésie maladroite de son père. En amoureux des boulons et autres pièces métalliques, c'est avec plaisir qu'il se rend toutes les semaines en balade avec son père à une usine désaffectée se trouvant en pleine foret.

Mio est morte depuis un an. Seules ses paroles "Je reviendrai avec la pluie" font tenir ses deux hommes. Mio réapparait un jour de pluie devant le pan de mur du bâtiment numéro 5 de l'usine désaffectée. Elle a tenu parole. Mais est-ce bien elle ? Sa mémoire envolée sème le doute, du moins chez le lecteur, tout en permettant un renouveau de sa relation avec son fils et son mari.

Se servant du thème classique dans la littérature japonaise du fantôme du conjoint défunt, l'auteur nous livre un magnifique roman pudique sur sa relation à sa femme et son fils. Tout y est léger, délicat et poétique, forçant le lecteur vers une finesse des sentiments bien éloignée des explosions sentimentales dont l'on nous abreuve régulièrement... 

Les réflexions du narrateur, Takumi, personnage angoissé et certainement hypocondriaque, sont drôles et profondes tout à la fois, formant une introspection continue sur fond d'autodérision. Collectionnant les phobies et problèmes de santé, Takumi est un piètre employé et un mauvais homme de maison tout en étant un père touchant et attentif. Rares sont les romans parlant des pères, et la plume de Takuji Ichikawa retranscrit à merveille la vie du père et du fils qui tentent de e tenir à flot bon-grès malgré. 

Ce roman est, pour bien des raisons, d'une immense tendresse. C'est peut-être bien là son plus beau message; la tendresse, l’attention portée à l'autre par-delà soi-même, est peut-être bien le véritable sens de l'amour que l'on confond bien trop souvent avec une possession d'autrui.

Forçant le lecteur à un tempo plus lent et plus dense, le début de lecture de ce roman peut-être malaisé. J'ai, pour ma part, mis une vingtaines de pages à entrer dans l'histoire, à me synchroniser sur la plume de l'auteur. Une fois ce cap passé, c'est une bouleversante histoire qui m'a submergée. 

Car ce roman, bien que délicat, possède la puissance d'une lame de fond. Petit prince pour adultes, Mio pourrait bien être le renard à apprivoiser et Yuji la rose...

Mais je ne vous en dirais pas plus; je vous laisserai découvrir les attachants personnages secondaires, Monsieur Nombre et Pooh: seule sa lecture pourra vous faire ressentir tous les trésors que recèle Je reviendrai avec la pluie.

Le parfum de ses cheveux, si nostalgique.
Je ne puis offrir de comparaison, ni le désigner autrement que par « cette odeur ». Tel un message intime, qu’elle ne transmettrait qu’à moi.
Un message unique au monde. 

En résumé


Les plus :
  • Une très belle histoire de couple, d'amour et de parents,
  • un humour et une poésie servant un texte profond et pudique,
  • un roman du quotidien vu par un papa,
  •  un aspect fantastique servant la magie de l'histoire.
Les moins :
  • une légère difficulté à rentrer dans le roman,
  • des répétitions pouvant parfois agacer mais procédant de la rythmique du récit. 


- Oui, toi. Toi, qui ne ressembles à personne d'autre. Mon petit prince anglais.
- C'est qui ça?
- Un petit quelqu'un qui a toujours le nez qui coule, qui aime collectionner les déchets inutiles, et qui a pour habitude de demander "Vraiment?" à tout bout de champ.
- Vraiment? 



En conclusion

Un très beau roman faisant l'éloge du simple et beau dans les couples, vu par un papa un peu paumé mais drôle et attachant. Une leçon de vie exhortant à embrasser les petits riens de la vie qui font les grandes histoires.


« Bonjour », « bonne nuit », « délicieux ! », « Ça va ? », « Tu as bien dormi ? », 
ou encore « Viens ici », c’est dans tous ces mots sans importance que réside l’amour.


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