Ainsi, mieux vaut être fort et cruel que juste. Au moins, l'on mange
mieux. Et notre moralité dépend davantage de l'état de notre estomac que
de notre nation.
Si vous ne lisez que ces lignes;
Conte russe modernisé sur fond de révolution communiste, Immortel est pour moi une grande déception, tous les ingrédients étant présents sans que la pâte ne soit jamais montée. Rencontre ratée avec ce roman salué par la critique.
Dans une cité au bord de la mer qu'on appelait jadis Saint-Pétersbourg,
puis Petrograd, puis Leningrad, puis encore, bien après,
Saint-Pétersbourg, se dressait une longue maison étroite, dans une
longue rue étroite. Près d'une longue fenêtre étroite, une enfant en
robe bleu pâle et chaussons vert pâle attendait qu'un oiseau vint
l'épouser.
Catherynne M. Valente
Catherynne M. Valente, née Bethany Thomas, est une poétesse, romancière et critique littéraire américaine. Pour mieux la connaitre voici son site.
Elle est très remarquée dès son premier roman, The Labyrinth (2004), recommandé par le magazine Locus, qui délivre des prix littéraires chaque année.
Elle est nouvelliste (Ventriloquist, recueil paru en 2010), poétesse (Apocrypha en 2005, A Guide to Folktales in Fragile Dialects en 2008, entre autres recueils de poésie) et essayiste (Introduction to Jane Eyre en 2008).
Ses œuvres s'inspirent souvent des mythes et du folklore. L'auteur qualifie elle-même le genre dans lequel elle écrit de mythpunk.
Elle a reçu le Mythopoeic Award en 2008 pour son dyptique The Orphan's Tales, ainsi que le World Fantasy Award en 2007 pour le 1er volume de cette série.
Elle a été primée trois fois en 2012 au prix Locus : meilleur roman pour jeunes adultes pour The Girl Who Circumnavigated Fairyland in a Ship of Her Own Making (2011), meilleur roman court pour Silently and Very Fast (2011) et meilleure nouvelle longue pour White Lines on a Green Field (parue en 2011 dans Subterranean Magazine).
Immortel (Deathless, 2011) est son premier roman traduit en français par les éditions Panini.
Le pitch
La jeune Maria Morevna, une brillante enfant de la révolution, devient la belle épouse de Kochtcheï avant de causer sa perte. En chemin, elle croisera des lutins stalinistes, accomplira des quêtes magiques, apprendra des secrets, se heurtera à la bureaucratie, à des jeux de désir et de domination.
Kochtcheï l’Immortel est au folklore russe ce que les démons et les
sorcières sont à la culture occidentale : un personnage menaçant et
maléfique. Mais nul n’a jamais dépeint Kochtcheï comme Catherynne
Valente, qui modernise le conte, le bouleverse et resitue l’action à
l’époque moderne et ainsi couvre nombre des grands bouleversements de la
Russie du XXe siècle.
IMMORTEL est un choc entre
l’histoire magique et l’histoire réelle, la révolution et la mythologie,
l’amour et la mort. Il ressuscite la légende russe sous une forme
étonnante.
Dans le mariage comme à la guerre, on doit découper ce que les gens
disent, comme un gâteau, et ne manger que ce que l'on peut digérer.
Ce que j'en ai pensé
Aimant les mythes et leurs relectures, ainsi que les
histoires d'amour fantastiques, je me suis laissée tentée par ce roman,
magnifique objet en soi. En effet, la qualité du travail de Panini est tout
d'abord à souligner; la qualité des illustrations, la couverture en relief, le
format de l'ouvrage, en font un réel objet de plaisir. Ainsi, malgré ma
non-rencontre avec ce roman je compte bien m'offrir d'autres ouvrages de cette
très belle collection.
Relecture d'un mythe russe apparemment très populaire,
celle de Kochtcheï l'immortel, l'on croise dans ce roman de nombreux
personnages mythologiques tels que Baba Yaga, Ielena ou encore Ivan, mais
également d'autres moins connus du grand public tels que Likho, des Lechi,
domoviye, roussalka, gamaïoun, etc.
Et là est le début du problème; sans un minimum de
culture russe, difficile de prendre un réel plaisir quand les créatures
croisées nous sont inconnues et parfois bien peu décrites et que les ajouts
linguistiques russes affectifs (là où nous donnons des diminutifs) compliquent
la lecture en surchargeant parfois l'effort mémoriel.... Là où, avec un brin de
didactique, il y aurait pu y avoir découverte culturelle, le roman se fait
cryptique, laborieux, annihilant une partie du plaisir.
Conte utilisant les motifs répétitifs, tant dans la
narration que dans les éléments surgissant dans la vie de l’héroïne, il y
a un rapprochement certain à faire avec une tradition orale, créant des fils
conducteurs pour le lecteur. Mais là encore, la rencontre n’opère pas, car, à
l'image du conte, ce roman reste dans l'archétype pour chaque personnage,
n'approfondissant pas leur psychologie ni leurs ressentis, à l’exception
peut-être de l’héroïne, Maria, qui parait bien être plus un pion que maitresse
de son destin, ne pouvant pas vraiment rebondir, coincée par le déroulé
implacable du conte...
Quant aux événements historiques qu'a subis la Russie
de sursauts révolutionnaires en transformation communiste, guerres et famines
comprises, elles ne forment qu'une toile de fond toute relative... Motifs
ajoutés au conte originel, celui-ci reste inchangé, amenant un sentiment de
fatalité à subir, niant toute créativité ou capacité à s'en sortir de
l’héroïne, victime d'une roue du destin inamovible.
Ce roman n'est donc à mon humble avis, ni une
porte d'entrée "facile" dans la mythologie russe, ni un roman
d'amour, ni une fresque sociale sur fond mythologique, mais plutôt un conte
laborieux et lourd de 465 pages !
Nombre de choses auraient pu y être développées, et
c'est un regret immense en tant que lectrice, que cela soit la psychologie des
personnages, le monde magique, la réalité socio-historique, la mythologie, la
magie ou encore la poésie qui aurait pu émaner de tout ce matériaux resté à l'état
brut.
Néanmoins, ce roman aura le mérite d'avoir éveillé
chez moi un intérêt pour les contes et la mythologie russe, bien plus complexe
et riche qu'il n'y parait. C'est donc avec un plaisir certains que je
continuerai ma quête d'autres expériences mytho-romanesques !
Tu t'enfuiras
toujours avec elle. Tu la perdras toujours. Tu seras toujours un sot. Tu seras
toujours mort, dans une cité de glace, la neige tombant dans ton oreille. Tu as
déjà fait tout cela et tu le referas. Je ne suis là que pour y veiller.
En résumé...
Les plus;
- Une originalité certaine de par le matériau utilisé,
- un conte modernisé menant à la rencontre d'une culture,
- un sublime objet-livre.
- Un manque d'explications et de repères empêchant l'immersion,
- des personnages peut développés psychologiquement ainsi que dans leurs interactions (pour une histoire d'amour c'est assez ennuyeux),
- une implacabilité du conte dont découle une atmosphère oppressante et fataliste.
En conclusion;
Rencontre totalement ratée pour moi bien qu’apparemment d'autres y aient trouvé leur compte (conte ?). A chacun donc de se faire son opinion, pour peux que la curiosité l'y porte !
Pour aller plus loin
le lien vers Russie virtuelle qui est une mine de connaissances !
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