jeudi 3 septembre 2015

L'histoire du looser devenu gourou de Romain Ternaux

Je me suis imaginé la réaction des éditeurs qui recevraient ça. La crise dans le comité de lecture ! Si, si, je te jure ! Le taré, là, tu sais bien, avec son histoire de meurtres et de grotte, hé ben à force d'écrire de la merde, il s'est directement mis à écrire sur du PQ, regarde ! Pourquoi il a fait ça, il s'est pris pour Kerouac avec son rouleau ? 


Si vous ne lisez que ces lignes;

Que se passe t-il dans la vie d'un ado attardé de 24 ans, écrivain raté, puceau,  alcoolique, aux pulsions psychotiques et étant ascendant Gaston Lagaffe ? Un enchainements de circonstances rocambolesques le menant tout en haut de la hiérarchie d'une secte d'érotomanes ! Fous-rires garantis; par ici la visite ! 

Je suis là dans le couloir, la face enduite de pâtisserie au chocolat comme si j'étais tombé tête la première dans le trou des toilettes. Je sais même pas si elle a signé le papier de la secte, et j'ai même pas pu lui donner le bracelet. J'ai tout merdé. 


 Romain Ternaux

Romain Ternaux est né en 1987. Pendant ses études de lettres à Reims il débute son premier roman pour combler son ennuie ; Croisade apocalyptique.

Il s’est enfermé plusieurs années chez lui pour écrire ses romans. L’histoire du loser devenu gourou est le deuxième roman qu’il publie, à paraître le 29 octobre aux forges de Vulcain. Une quinzaine d’autres devrait suivre, si tout se passe bien.

Pour en savoir plus une interview de Romain Ternaux sur son précédent roman ici ainsi que sa page facebook ici.   


Le pitch

Dans cette farce burlesque, notre antihéros, qui restera sans nom, est l’archétype du loser moderne, vaincu par la société : alcoolique, sans emploi, en proie à la plus profonde misère sexuelle et amoureuse.

Poussé par ses parents, il accepte un emploi d’homme à tout faire dans une riche fondation qui se révèle être une secte. Par une suite de quiproquos, il va se retrouver patron de cette secte, qui réunit principalement de riches bourgeois érotomanes. 

Mais ce jeu de masques, ce retournement subversif des valeurs et des positions, ne va pas le rassurer pour autant et, ainsi parvenu au sommet de la pyramide sociale et sexuelle, il va découvrir qu’il ne désire pas plus être maître qu’il ne désire être esclave.

L'exhibitionnisme n'était rien, et j'ai encore aggravé mon cas. Je crois que dans ces moments de manque, mon foie envoie des messages codés à mon cerveau pour prendre le contrôle de la situation: juste avant de partir comme une bourrasque, ma main a saisi une bouteille de whisky. Alors je suis là, à courir à poil dans la rue avec du Ballantine's douze ans d'âge, poursuivi par un fou et son hachoir à kebab !  



Ce que j'en ai pensé


Chaque fois que je la croise, y'a un truc qui va pas. Soit je suis bourré, soit pas réveillé, ridicule, empâté par l'alcool ravageur qui bloque toute répartie intelligente à  l'embouchure de mes synapses, me fait bafouiller comme le dernier des bouffons et son visage est au pire moqueur, au mieux atterré.

D'emblée, la solitude cafardeuse du héros le rapproche d'un Monsieur Sim ou d'un héro kafkaïen, s'étant métamorphosé depuis longtemps en blatte sociale et familiale.... Vivant d'aides sociales et du soucis financier de ses parents, cet écrivain raté voue sa vie au délabrement de son foie dans une constance avilissante tant de son habitat que de son hygiène personnelle. Les bases sont posées ; voici l'histoire d'un looser de 24 ans vue par un auteur pas si éloigné de l'âge de son héro: vitriol garantit !

Le choix de l'auteur de nous faire vivre cette tranche de grand n’importe quoi depuis le point de vue dérangé de son héro n'est pas sans rappeler les exactions (dont je suis très friande) de Nadine Monfils avec Mémé cornemuse; vulgaire, violent, dérangeant; voici deux monstres modernes pathétiques n'ayant rien à s'envier l'un l'autre. Jubilatoire pour certains, choquant pour d'autres lecteurs, ce gourou alcoolisé ne laissera certainement pas de marbre... Mais quand le dérangeant devient une autopsie générationnelle joyeuse, quand Ternaux nous sert une Orange mécanique drôle, force est de constaté que le plaisir littéraire et le néant font bon ménage.

Reflet d'une jeunesse paumée entre rêves de gloires et réalité économique, poussée à bout hormonalement par la pornographie généralisée, marginalisée par l'impossibilité de se réaliser en tant qu'adultes; ce roman est un portrait brossé à grands traits de vitriol et d'éclats de rire. Entre déboires sentimentaux, amitiés pathétiques et pieds de nez à l'actualité mondiale, Romain Ternaux foule au pied toutes les bien-pensances faisant le tour de nos morales de façades... Et tout y passe; du respect de la femme aux sdf, de la maltraitance des animaux au système d'aide sociale, touchant même à l'histoire française en ses moments les plus noirs; voici le délire destructeur d'un être à bout de lui-même et que son inénarrable maladresse n'aide pas ...

L’écriture, encore un peu "verte" à mon gout, y est prometteuse, et les inventions de Romain Terneaux pour torturer et pousser à bout son héro délectables à souhait. Les onomatopées m'ont parfois semblées de trop, quelques termes parfois choquants, mais dans l'ensemble j'ai apprécié cette secousse sismique. 

Quant-à la finalité de ce roman, nul besoin d'y chercher une morale ou quelque réflexion profonde. Objet pouvant se rapprocher de la pataphysique littéraire, ce roman nous parle de l'absurdité d'être mais aussi de celle de notre société et se suffit en lui-même en s'identifiant parfaitement à son objet... 

Vous avez dit absurde et inutile ? Certes, mais drôle et délectable... 


En résumé

Les plus :
  • Des personnages pathétiques à souhaits,
  • des situations drôles en cascades,
  •  un portrait social sans concession,
Les moins :
  • Une écriture encore un peu verte,
  •  une poussée dans les limites de chacun du choquant qui en rebutera peut-être certains lecteurs.


En conclusion

Le dérangeant est fait pour faire réagir, que cela soit par le rire ou la réflexion. Ce roman parvient totalement à cela, eut-il un but premier ou un message à délivrer (ce dont je doute). Naissance possible d'un futur grand écrivain, penchez-vous donc sur cet ovni littéraire drôle et détonnant ! 

 

Cités dans cet article 

l'avis de Ramette par ici !





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