mardi 19 avril 2016

Le jeu de la bague de Pierre Lafargue

Je ne conçois pas que les choses soient comme ci plutôt que comme ça. Ce monde n'a pas le sens commun. Je voudrais être assis dans un fauteuil profond à lire des articles profonds dans le quotidien de référence roumain. Je serais plus serein. Tout conspire contre la sérénité. 


Si vous ne lisez que ces lignes;

Plongée en apnée dans l’hermétique, voir l'herméneutique, d'un auteur déroutant. Le jeu de la bague est un reflet aux mille visages de ce que l'humanité comporte, peut-être, de plus vil et de plus lâche... Baisons donc, tous, la bague qui relie les êtres dans leurs pierres d'achoppements temporelles au passage de quelques vies.  


Pierre Lafargue 

Pierre Lafargue est né en 1967 à Bordeaux. Auteur énigmatique protégeant son jardin secret, malgré une dizaine de parutions saluées par la critique, peu savent qui est cet auteur. 

Découvrez ici un entretien menée par Thierry Romagné.

Il faudrait de lui tout citer, ne rien faire d’autre que de lui tout citer, car tout commentaire n’est que tisane, fadasserie et délayage au regard de son texte qui est pur concentré, pure foudre. Lydie Salvayre (prix Goncourt 2014).

Au royaume des lettres, on dirait volontiers que Pierre Lafargue est le secret le mieux gardé de ces dernières années.  Nils C. Ahl (Le Monde des livres, mai 2014.

Ici, un extrait de Aventures, lu par l'auteur lui-même pour France culture.  

Le pitch 

Le héros de ce livre ? Un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous (mais que pas un ne vaut). Ce qu’il fait est littéralement extraordinaire, ce qu’il dit est inouï. Il va vite ; il était ici ; il n’est déjà plus là. Sa bague le tire en avant : avec elle à son doigt, il n’épouse rien ni personne.

Voici un chat et un crapaud rouges, voici Sarah Palin amoureuse, voici un pape beau garçon et quelques fruits, un cycliste ayant une conception exigeante de l’équilibre et la nuit sans fin, menaçante — sans compter les menées du diable. Plongez dans ce feu ! N’en privez pas votre famille ! Jetez-y vos amis !

Mon visage est affreux. Mon visage. Ma scrofule. Mon visage est brouillé. Il est fait de milles visages. Je le cache dans l'angle fermé de cette vie. Sur les deux cotés de la route, des panneaux veulent l'ouvrir à eux. Ils sont refusés. 
 

Ce que j'en ai pensé


Les écrits sont comme les gens, et la lecture comme les rencontres ; pour des raisons obscures et alchimiques elles fonctionnent ou avortent. 

Avortement, ce sera donc pour moi ici. Mort-né du sens dans un déluge de tripes langagières...  Pourtant, la quatrième de couverture me séduisit, couvrant bien le délire d'un glaçage marron élégant. 

Premier indice qu'il eut fallu que je prenne en considération ; les écrits surréalistes, citons Boris Vian, me rebutent. Admirant les métaphores et aimant la poésie, je ne suis pas encline par ailleurs aux déluges de ceux-ci, y préférant le silence vibrant des mots encore présents des haïkus et kōans.  

Deuxième indice ;  au jeu de la destruction du lien entre signifiant et signifié et à la joyeuse débandade des herméneutiques, Phillip K. Dick et Roger Zelasny sont passés par là bien avant, me régalant de leur anarchique, cacophonique et superbe Deus Irae. La soupe me parut donc tiède... 

Certes, la langue y est belle, certes, les métaphores y sont parfois puissantes et bien tournées. Le manque d'un narrateur principal identifiable, d'une structure du texte par un chapitrage, ou encore d'une logique de progression établie, me semblent pardonnables. L'agacement, le titillement de la mouche du coche aurait pu être plaisant, confinant au masochisme de qui veut réfléchir et s'ouvrir à de nouveaux horizons. Mais là le bât blesse ; boite hermétique livrée sans ouvre-boîte, Le jeu de la bague est un objet défiant les lois de la physique quantique en se passant de fond et de forme... Saluons ici un exploit qui stupéfierait Stephen William Hawking lui-même.

En d'autres termes, que toutes les fonctions du langage (selon la théorie du langage de Jakobson) soient gommées au profit de la fonction poétique crée un objet paradoxale, car l'écrit, la réception par un lecteur, et sa diffusion via un média, devraient être une tentative de mise en communication d'un mode de pensée avec un autre. Instantané d'une vision éphémère dont l'auteur ne donne pas les clés de décryptage, Le jeu de la bague restera à mes yeux un non-dit bavard, bien que la démarche eue pu être intéressante.  

Au jeu du vomissement du monde, il faut, il me semble, une pointe d'amour de l'humanité pour illuminer le tout, comme ces couchers de soleils mourants transformant un ciel obscurcit en un point d'or. Ainsi, Camus, Del Castillo, Suskind, Steinbeck (et tant d'autres)  y excellent-ils, distillant le doute humaniste là où un Céline s'en sert comme enrubannement de l'abjection humaine afin de mieux berner le chaland. C'est une élégance, un phare dans la nuit, un objet justifiant la plongée dans l’innommable. Car à quoi bon se rouler dans la souillure, même avec des tournures de soie et de dentelle, si ce n'est que pour faire le constat que la boue nous cerne de toutes parts ?

Faut-il vraiment être persuadé que ses congénères n'en ont aucune conscience.... 

En résumé... 

Les plus;
  • Un joli travaille d'édition, 
  • des métaphores vibrantes 
 Les moins;   
  • Une forme forte car assumée au service de rien 
 

En conclusion;

 Non-rencontre entre cet ouvrage et moi. Peut-être ne suis-je pas pourvue de la culture ou des attentes qu'il faudrait posséder pour y être sensible... J'attends avec impatience les retours d'autres lecteurs sur cet ouvrage !



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